Le contrat de construction

Organisé par
Le Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris
(LAMOP) UMR 8589, CNRS – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Le Centre de théorie et analyse du droit
(CTAD) UMR 7074, CNRS – Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Lundi 29 juin 2015
10h à 17h30

Le contrat de construction

 
Lieu : Institut national d’histoire de l’art (INHA), Galerie Colbert
Salle Demargne, Rez-de-chaussée
2 Rue Vivienne, 75002 PARIS
métro : Bourse ou Palais-Royal
10h. Introduction
10h15 Sandrine Victor, maître de conférences à l’Université d’Albi
Les contrats dans le bâtiment au bas Moyen Age catalan : entre clauses techniques et marqueurs d’affaires.
11h15 Julien Puget, boursier postdoctoral Banting du CRSH du Canada, UQÀM, Montréal
Le contrat de construction à Aix et Marseille au XVIIe siècle : un outil de régulation des processus de fabrique de la ville à l’époque moderne.

12h30-14h Déjeuner

14h Robert Carvais, directeur de recherche CNRS – CTAD
Comment le contrat de construction a été théorisé en droit français ?
15h Xavier Bezançon, Délégué Général des Entreprises Générales de France- BTP
Le développement des contrats de concession au XIXe siècle en France dans le champ constructif.
16h15 Revue de publications récentes sur l’histoire de la construction
Atelier : Textes sur la fabrication et les usages du plâtre
 

Résumés

Sandrine Victor, maître de conférences en Histoire médiévale à l’Université d’Albi.

Sandrine Victor est spécialiste de l’Histoire économique et sociale du secteur du bâtiment au bas Moyen Age catalan, elle s’intéresse en particulier à la figure de l’Entrepreneur. Elle vient de publier un numéro spécial des Cahiers du Framespa sur « Le prix de l’Homme », ainsi que « Quantifier, compter, se tromper : le quotidien comptable des fabriques à la fin du Moyen Age en Catalogne », Actes du colloque La comptabilité, LAMOP – Lille 3, Université du Littoral, octobre 2011,Comptabilités, 2014, ou encore « Les formes de salaires sur les chantiers de construction : l’exemple de Gérone au bas Moyen Âge », P. Beck, P. Bernardi, L. Feller, Rémunérer le travail au Moyen Âge, Picard, Paris, 2014.

Les contrats dans le bâtiment au bas Moyen Age catalan : entre clauses techniques et marqueurs d’affaires.

Le notariat est riche de nombreux contrats, témoins de la vie économique active du secteur du bâtiment au XVe siècle, en particulier à Gérone. Néanmoins, face au grand nombre des actes notariés conservés pour ce siècle, on peut d’abord ce surprendre du faible nombre de contrats : 28 en tout. De ce fait, cette constatation nous pousse à nous interroger. Quand passe-t-on un contrat ? Avec qui ? Dans quelle situation se sent-on contraint de fixer les accords, qui visiblement sont d’abord oraux, par écrit devant notaire ? Ces premières réflexions nous pousserons à entrer plus avant dans le texte du contrat, pour voir les clauses récurrentes, les modalités d’exécution précisées, les garanties éventuelles etc. Au final, le contrat dans le monde du bâtiment géronais du bas Moyen Age nous donne des pistes de compréhension des affaires conclues et du cadre dans lequel s’est épanouie l’architecture gothique catalane.

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Julien Puget, Boursier postdoctoral Banting UQUAM Montréal (Canada)

Julien Puget vient de soutenir une thèse d’histoire consacrée aux embellissements des villes d’Aix et de Marseille aux XVIIe et XVIIIe siècles. Dans ce travail, il s’est particulièrement intéressé aux mécanismes juridiques et sociaux de production de l’espace urbain à l’époque moderne (Les agrandissements d’Aix et de Marseille (1646-1789). Droits, espaces et fabrique urbaine à l’époque moderne, sous la dir. de Brigitte Matin et Jean-Louis Mestre, Aix-Marseille Université, 2015). En croisant l’étude du marché immobilier, de l’économie de la construction et des modalités administratives de gestion de la croissance urbaine à l’occasion de ces opérations d’embellissement, il s’est attaché à souligner le rôle des acteurs locaux (habitants et autorité municipale) à l’occasion d’évènements urbains traditionnellement reconnus comme façonnés par le pouvoir monarchique. Il a également mis en lumière les conditions d’émergence d’un ordre public urbain à même de réguler et encadrer ces processus de fabrique urbaine. Il vient d’obtenir pour la période 2015-2017 une bourse postdoctorale Banting du CRSH du Canada, qu’il effectuera à l’UQÀM sous la supervision du professeur Pascal Bastien. Ses recherches portent désormais sur les mobilisations socio-spatiales et l’émergence d’une opinion publique urbaine engendrées par des opérations d’embellissements urbains à Paris, Marseille et Naples au XVIIIe siècle.

Il a récemment publié :

« Entre expertise et opinion commune : la fabrique des prix immobiliers à Marseille aux XVIIe et XVIIIe siècles », Cheiron, 2015 (sous presse)« Une opération d’utilité publique au service d’intérêts privés : l’exemple de la création du quartier Mazarin d’Aix (1646 – 1750) », Histoire urbaine, 42-1, 2015, p. 79-95.
« Les négociants marseillais et la fabrique urbaine, entre désintérêt immobilier et implication politique (1666-1789) », Rives méditerranéennes, 48, 2014, p. 141-158.
« Détruire pour embellir. Pratiques d’estimation et d’indemnisation des propriétés urbaines à Marseille dans la seconde moitié du XVIIe siècle », Histoire & Mesure, 28-1, 2013, p. 11-44.

Le contrat de construction à Aix et Marseille au XVIIe siècle : un outil de régulation des processus de fabrique de la ville à l’époque moderne.

À partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, de nombreuses villes françaises dont celles d’Aix etde Marseille, connaissent des processus d’embellissement d’ampleur, conduisant à la création de nouveaux quartiers au sein de ces entités urbaines. Bien que des appareils administratifs de plus en plus élaborés fassent leur apparition afin d’assurer la gestion de ces phénomènes de production d’un nouvel espace urbain, le contrat de construction, un document de droit privé, s’avère jouer un rôle primordial dans la mise en œuvre de ces projets urbanistiques.
Qu’il s’agisse de déterminer la forme de la future construction, d’assurer l’approvisionnement nécessaire en matériaux constructifs, de procéder à l’embauche de la main-d’œuvre ou de vérifier la conformité de l’objet bâti au moment de sa livraison, le contrat de construction, quelle que soit sa forme juridique (promesse, prix-fait, etc.), constitue un véritable outil de régulation des mécanismes de fabrique de la ville, tant pour les constructions privées que publiques.
En se plaçant au point de rencontre des volontés privées et des impératifs d’ordre public qui encadrent l’urbanisme d’Ancien Régime, le contrat de construction apparaît, en marge des informations techniques qu’il livre habituellement sur le bâti, comme une source majeure afin de comprendre les modalités socio-économiques de production de l’espace urbain à l’époque moderne.

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Robert Carvais, directeur de recherche CNRS – Centre de théorie et pratique du droit
Comment le contrat de construction a été théorisé en droit français ?

La pratique la plupart du temps notariale dès le Moyen Age – nous en trouverions certainement des manifestations dans l’Antiquité – renseigne sur le contrat de construction qui pourrait se définir très largement comme un engagement de professionnels à l’égard d’un maître d’ouvrage afin de construire un bâtiment. Il s’agit donc d’un engagement de travail qui engage deux parties avec droits et obligations réciproques. Le droit romain a déjà eu l’occasion de mettre en forme les modalités du contrat par le biais d’une typologie des obligations issus du contrat : d’après Gaïus, il existe celles qui naissent par la remise de la chose, celles par le prononcé de paroles, celles par le biais d’un écrit ou celles par le consentement. Cependant rien de spécifique quant au contrat de construction. Les actes conservés dans les archives se nomment devis et marchés dans le nord ou prix-faits dans le sud. Les sources du droit français sous le Moyen Age : coutumes, ordonnances, droit savant, jurisprudence ne traitent pas la question sauf par bribes (voir les encyclopédies juridiques qui en donnent quelques modalités). Le besoin de structurer la question vient des praticiens architectes (Savot, Bullet). Même si le contrat suscite de nombreuses réactions critiques dans ses usages (Viel de Saint Maux, Le Camus de Mézières) dénonçant les fraudes qui s’y pratiquent, il faut attendre la Révolution pour que quelques articles du Code Napoléon et ses exégèses établissent un changement de paradigme.

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Xavier Bezançon, délégué général des entreprises générales de France – BTP

Xavier Bezançon est Délégué Général des Entreprises Générales de France – BTP, syndicat professionnel groupant les plus grandes entreprises de construction françaises, secrétaire Général du Forum Européen des Entreprises Générales, expert auprès d’institutions internationales (OCDE, ONU, CEE, CES Européen) ou nationales (Ministère de l’Equipement et Premier Ministre) et consultant de nombreuses institutions. Il est également membre de l’Institut Français de sciences administratives,
Spécialiste des contrats publics de délégation, des contrats de concession et de délégation de service public, des contrats globaux de construction, il a été membre du « groupe Matignon » qui a effectué les recommandations sur le droit du Partenariat public privé en France (loi du 2 juillet 2003).
Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris en 1978 et de l’Institut de Hautes finances, Institut Français de Gestion en 1983, titulaire d’un doctorat ès sciences économiques (gestion) de l’Université Paris IX Dauphine en 1985 et d’un doctorat de droit public de l’Université Paris XII en 1997, il enseigne le droit public à l’Université Paris I-Sorbonne.

Il a notamment publié (seul ou en collaboration):

– 1994, Les services publics en France du moyen âge à la Révolution, Presses de l’Ecole nationale des ponts et chaussées
– 1997, Les services publics en France de la Révolution à la première Guerre mondiale, Presses de l’Ecole nationale des ponts et chaussées
– 1997, Les contrats globaux de construction en Europe, Forum Européen des entreprises générales, Bruxelles, Syndicat national du béton armé, des techniques industrialisées et de l’entreprise générale.
– 1999, Essai sur les contrats de travaux et de services publics, contribution à l’histoire administrative de la délégation de mission publique, Paris, Collection des thèses de droit public, LGDJ
– 2003, Guide de l’entreprise générale de Bâtiment et de travaux publics. Organisations et fonctionnement, missions et responsabilités Paris, Le Moniteur(réédition 2005) (avec Christian Cucchiarini et José-Michael Chenu).
– 2003, Deux mille ans d’histoire du partenariat public privé, Presses de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées.
– 2004, Naître et renaître, histoire du groupe SPIE, Presses de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées (avec Jean Monville), réédition, M. Maule, 2010.
– 2005, Les nouveaux contrats de partenariat public-privé, Paris, Le Moniteur (avec L. Deruy, R. Fiszelson, M. Fornacciari).
– 2006, Deux siècles d’entreprise générale et de progrès dans la construction, Timée (avec, Daniel Devillebichot et Nagy Guersendre).
– 2006, Partenariats public-privé : Mode d’emploi juridique et approche économique, Paris, La documentation française.
– 2007, Le guide de la commande publique, Le Moniteur (avec Christian Cucchiarini et Philippe Cossalter)
– 2007, Le guide opérationnel des PPP, Le Moniteur (avec François Bergère).
– 2008, Le guide de la commande privée, Le Moniteur (avec Patricia Bitter, Christian Cucchiarini).
– 2013, Histoire de la construction de la Gaule romaine à la Révolution, Paris, Eyrolles (avec Daniel Devillebichot).
– 2014, Histoire de la construction moderne et contemporaine en France, Paris, Eyrolles (avec Daniel Devillebichot).

Le développement des contrats de concession au XIXe siècle en France dans le champ constructif.

Le dix-neuvième siècle fut celui de la transformation de l’économie française en économie capitaliste et ceci fut largement l’œuvre du partenariat public privé : l’Etat offrit un cadre concessionnaire à toutes les innovations technologiques. Tous les services publics sont nés dans un cadre privé au cours de ce siècle. Les chemins de fer, le métropolitain de Paris, la tour Eiffel, les réseaux d’eau et d’éclairage, la distribution de vapeur et de gaz, les rues des villes furent édifiés dans ce cadre. Les entreprises d’électricité, de télégraphe et de téléphone furent aussi concédées. Qui sait encore aujourd’hui que le Paris d’Haussmann a entièrement été conçu et réalisé en concession à travers 48 contrats de partenariat public privé et que les chemins de fer ont été sous l’égide des concessions durant 113 années ?