Séminaire Histoire de la construction

Organisé par
Le Centre de théorie et analyse du droit
(CTAD) UMR 7074, CNRS – Université Paris Nanterre
Le Laboratoire Archéologie et Philologie
d’Orient et d’Occident (UMR 8546, ENS-CNRS-EPHE)
Le Laboratoire Orient & Méditerranée (UMR 8167,
CNRS-Sorbonne Université-Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
et
L’Université de Lausanne

Mardi 25 novembre 2025
de 10h à 16h
Le mur frontière

10h Introduction

10h15 Christine Hoët-van Cauwenberghe, Université de Lille
Le Mur d’Hadrien, un dispositif de frontière d’époque romaine

11h15 Marie-Odile Rousset, CNRS, Archéorient, Environnements et sociétés de l’Orient ancien, à Lyon (Maison de l’Orient et de la Méditerranée).
Un mur-frontière du 3e millénaire dans la steppe de Syrie du Nord

12h30-14h Déjeuner

14h Cédric Parizot, CNRS, Institut de recherche et d’études sur le monde arabe et musulman (Aix-Marseille Université).
Le Mur comme « mouvement » : Le cas d’Israël Palestine

15h30 Revue de publications récentes sur l’histoire de la construction

Résumés

Christine Hoët-van Cauwenberghe est professeure d’histoire romaine à l’université de Lille, membre de l’UMR HALMA 8164, elle a publié un livre sur La province de Gaule Belgique : approches politiques et sociales sous le Haut-Empire, HS n°32 de la Revue du Nord en 2022 et travaille sur la vie politique et sociale de la fin de la République et du Haut-Empire romain. Elle s’intéresse tout particulièrement à la mémoire et l’histoire dans l’Empire romain, participant à la base de données VAM, les Victimes de l’abolitio memoria, dont le volume de synthèse est sous presse. Elle a participé à l’exposition au Forum antique de Bavay, musée archéologique du Département du Nord, du 4 février au 30 août 2016, Marguerite Yourcenar et l’empereur Hadrien, une réécriture de l’Antiquité. On trouvera le podcast de présentation sur Radio France en date du 25 juin 2020 : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-compagnie-des-oeuvres/memoires-d-hadrien-une-reecriture-de-l-antiquite-7590790 et le catalogue paru en 2020. Elle a co-organisé avec S. Benoist, A. Gautier et R. Poignault, en 2017 un colloque international sur les Mémoires de Trajan et d’Hadrien, dont les actes sont parus en 2020, ayant opéré un focus sur le mur d’Hadrien dans Raison présente, 202, 2017, p. 9-19. Elle revient sur l’action de construction d’Hadrien dans l’article « À propos d’Athènes, capitale du Panhellénion », in S. Killen, S. Schmidt & S. Scheuble-Reiter (dir.), Caput studiorum, Festschrift für Rudolf Haensch zu seinem 65. Geburtstag, Wiesbaden, 2024, p. 203-214.

Le Mur d’Hadrien, un dispositif de frontière d’époque romaine

La construction d’un mur en Bretagne romaine a été décidée par l’empereur romain Hadrien (117-138) – d’où son nom « Mur d’Hadrien » –, à l’occasion de sa visite sur l’île en 122-123. Le mur a été érigé au nord de l’actuelle Angleterre et mesure 117 km, d’ouest en est, de la Mer d’Irlande à l’embouchure de la Tyne côté Mer du Nord. Il comporte 300 tours et 80 fortins et fait partie d’un dispositif militaire complet (légions, troupes auxiliaires, voies). Ses fonctions sont diverses, stratégique, militaire, religieuse, symbolique et autres. La vie sur cette frontière est documentée par les textes, l’archéologie, l’épigraphie, la numismatique. Devenu au Moyen-Âge, le « mur de Septime Sévère », lequel a procédé à des réparations au début du IIIe siècle, il est redécouvert au XVIe siècle et correctement identifié tardivement, en 1840, lorsque paraît le livre de John Hodgson History of the Northumberland. Il faut attendre le début du XXe siècle pour que de véritables fouilles soient entreprises. Actuellement, l’ouvrage architectural suscite un engouement culturel et touristique et il a été classé en 1987 sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco.


Marie-Odile Rousset est archéologue, directrice de recherche au CNRS, rattachée au laboratoire Archéorient, Environnements et sociétés de l’Orient ancien, à Lyon (Maison de l’Orient et de la Méditerranée). Elle travaille sur la formation et l’évolution de la ville des débuts de la période islamique et aussi sur le peuplement et les aires culturelles au Proche-Orient médiéval et plus particulièrement en Syrie du Nord. Elle a dirigé, de 2003 à 2010, les travaux archéologiques à al-Hadir et Qinnasrin, près d’Alep. Elle est responsable du programme des Marges arides de Syrie du Nord depuis 2019 et dirige la mission archéologique syro-française de la Syrie du Nord qui étudie les villages antiques de la région d’Idlib, depuis 2023.

Un mur-frontière du 3e millénaire dans la steppe de Syrie du Nord

Pluridisciplinaire et diachronique, le programme de recherche « Marges arides de Syrie du Nord » étudie, depuis 1995, l’état et la mise en valeur actuels du milieu naturel ainsi que les traces laissées par son exploitation dans le passé pour mieux comprendre, du Néolithique à nos jours, les oscillations climatiques et les changements dans les modes d’occupation du sol, les problèmes de désertification et les relations hommes – milieu dans un environnement à forte contrainte. Pour cela, diverses approches ont été développées : analyse du milieu écogéographique, prospection archéologique et épigraphique, étude ethnoarchéologique, relevé architectural, reconstitution des paléoenvironnements, analyse de l’évolution des espaces steppiques contemporains, cartographie, télédétection et analyse spatiale.
La pratique conjointe, à grande échelle et sur de mêmes espaces, de la culture et de l’élevage est attestée au moins dès le Bronze ancien IV (3e millénaire). Cette complémentarité économique, dans des régions où l’étroite imbrication des milieux impose leur coexistence, au moins saisonnièrement, n’exclue pas cependant des rivalités territoriales pour le contrôle des meilleures terres. Une des conséquences de la mise en valeur sur le long terme a donc été la multiplication des murs et murets. Parmi ceux-ci, plusieurs tronçons se sont révélés appartenir à un seul et même aménagement d’une longueur exceptionnelle et inédite. Au terme de la prospection, il avait été suivi sur plus de 220 km.
Ce mur, malgré sa longueur, ne constituait pas un ouvrage de défense. Il s’agissait plus probablement d’une délimitation de frontière d’un territoire dépendant d’une entité politique suffisamment puissante pour se contenter de cette ligne matérialisée sur le terrain. Le mur marquerait une limite, permanente ou
saisonnière, que devaient respecter les tribus nomades lors de leurs déplacements avec leurs troupeaux.
Bibliographie sélective :
GEYER B., 2009, « Die Syrische Mauer », in A. Nunn (Hrsg.), Mauern als Grenzen, Verlag Philipp von Zabern, Mainz am Rhein, p. 38-45.
GEYER B., AL-DBIYAT M., AWAD N., BARGE O., BESANÇON J., CALVET Y., JAUBERT R., 2007, “The Arid Margins of Northern Syria: Occupation of the Land and Modes of Exploitation in the Bronze Age”, in D. Morandi Bonacossi (ed.), Urban and Natural Landscapes of an Ancient Syrian Capital. Settlement and Environment at Tell Mishrifeh/Qatna and in Central-Western Syria, Proceedings of the International Conference held in Udine, 9-11 December 2004, Studi Archeologici su Qatna 1, Forum Editrice, Udine, p. 269-281.
GEYER B., AWAD N., AL-DBIYAT M., CALVET Y., ROUSSET M.-O., 2010, « Un ‘très long mur’ dans la steppe syrienne, Paléorient 36/2.
LAFONT B., 2010, « Contribution de la documentation cunéiforme à la connaissance du ‘très long mur’ de la steppe syrienne », Paléorient 36/2.


Cédric Parizot est anthropologue du politique. Directeur de recherche (HDR) au CNRS, affecté à l’Institut de recherche et d’études sur le monde arabe et musulman (Aix-Marseille Université). Ses recherches s’articulent autour de trois axes : d’une part, les mobilités et les frontières dans les espaces israélo-palestiniens ; la recherche par l’écoute, d’autre part, et enfin l’articulation entre art et recherche en sciences humaines.

Le Mur comme « mouvement » : Le cas d’Israël Palestine

A partir d’observations ethnographiques réalisées à la fois du côté israélien et palestinien entre 2000 et 2013, je propose d’envisager le « Mur de séparation » érigé par Israël à partir de 2002 en Cisjordanie occupée non comme un édifice mais comme un mouvement agissant. En m’appuyant sur des cas concrets, je montrerai dans un premier temps qu’au fur et à mesure de sa construction, étalée sur plusieurs années, le Mur a reconfiguré les espaces de vie des populations, ainsi que leur rapport au monde. Dans un second temps, je soulignerai que ses mouvements, ses formes et ses capteurs affectent les modes de correspondance entre les populations qui vivent de part et d’autre de son tracé. Enfin, dans un troisième temps, j’insisterai sur le fait que, même une fois achevé, il ne cesse de se reconfigurer. Dégradé, abimé, par les éléments et les Palestiniens qui l’enjambent ou le traversent, il est constamment réparé et modifié par les Israéliens. Ses transformations et ses mouvements affectent alors encore une fois de plus les paysages, les corporéités et les conditions d’expérience des personnes qu’il est censé protéger. Ainsi, plutôt que de figer et de séparer les espaces israéliens et palestiniens, le Mur infléchit différemment leurs mouvements.
Bibliographie sélective :
Parizot, Cedric. 2009. « Après le Mur ». Culture et Conflits, no 73 (mars): 53-72.
Latte Abdallah, Stéphanie, et Cédric Parizot, éd. 2011. A l’ombre du Mur. Israéliens et Palestiniens entre
séparation et occupation. Actes Sud. https://www.actes-sud.fr/catalogue/sciences-politiques-et-
geopolitique/lombre-du-mur.
Latte Abdallah, Stéphanie, et Cédric Parizot, éd. 2019. Israël/Palestine, l’illusion de la séparation.
In Israël/Palestine, l’illusion de la séparation. Sociétés contemporaines. Presses universitaires de
Provence. http://books.openedition.org/pup/7926.
Parizot, Cédric. 2019. « Une économie du contrôle “non documentée” : Travailleurs, passeurs et autorités
dans le sud israélo-palestinien (2004-2010) ». In Israël/Palestine, l’illusion de la séparation, édité par
Stéphanie Latte Abdallah et Cédric Parizot. Sociétés contemporaines. Presses universitaires de
Provence. http://books.openedition.org/pup/8062.
Parizot, Cédric. 2021. « Au seuil de la frontière, redéplier les espaces israélo-palestiniens. Israël Palestine :
un antiAtlas. Vol. 4 ». Inédit. Habilitation à diriger des recherches, Aix Marseille Université.