Maison sinistrée

Histoire des malfaçons

Séminaire  Histoire de la construction :

Une histoire des malfaçons : désordres, vices, lésions, défauts, ratés, repentirs, erreurs pathologies, dégradations, détériorations et corruptions

 

Organisé par

  • le Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris (LAMOP – UMR 8589, Université Panthéon-Sorbonne – Paris 1),
  • le Centre de théorie et analyse du droit (CTAD – umr 7074, Université Paris Ouest Nanterre La Défense – Paris 10)
  • Le Laboratoire Archéologie et Philologie d’Orient et d’Occident (UMR 8546, ENS-CNRS-EPHE)

avec le soutien du laboratoire d’excellence TransferS.

Lundi 11 janvier 2016 et 10h à 17h30

Lieu :

Amphithéâtre du Centre Mahler
Université PARIS 1 – Panthéon – Sorbonne
9, rue Mahler, 75004 PARIS
métro Saint-Paul

10h. Hélène Dessales et Robert Carvais

Introduction

10h15 Carla Maria Amici, Professeur de Topographie Antique à l’Université de Lecce

Modifications en cours de chantier : une clef d’interprétation des édifices antiques

11h15 Pauline Ducret, doctorante en Histoire Ancienne à l’Université Paris 8 – Saint-Denis

Entre malfaçon et montage juridique : Verrès et la restauration du temple des Castors

12h30-14h Déjeuner

14h Marc Viré, archéologue, ingénieur de recherche INRAP, LaMOP, UMR 8589

Collège des Bernardins. Désordres dans le grand logis.

15h Yehudi Morgana, doctorant en Histoire de l’architecture, Ensa Paris La Villette

Les édifices sont des chantiers permanents. Cas de L’opéra Garnier (1875-1939).

16h15 Revue de publications récentes sur l’histoire de la construction

Atelier : « Une construction éphémère : le théâtre médiéval de Romans » : un dossier de Marie Bouhaik, CNRS (suite)

Résumés

Carla Maria Amici est professeur de Topographie Antique (“Relevé et analyse technique des monuments antiques”), auprès de l’Université de Lecce, en Italie (Facoltà di Lettere, Lingue, Filosofia e Beni Culturali). Son domaine de spécialité et l’étude et le relevé des bâtiments antiques, comprenant une analyse détaillée des techniques de construction et allant jusqu’à leur restitution virtuelle en 3D. Elle est experte auprès de différentes institutions (Communauté européenne, CISTEC) pour l’étude et la valorisation du patrimoine culturel et membre depuis 2006 de Construction History Society. Elle a participé à des fouilles dans plusieurs pays, principalement en Italie, mais aussi en Egypte, Lybie, Syrie, Turquie et Ouzbékistan.

Elle a notamment publié :

Foro di Traiano: Basilica Ulpia e Biblioteche, Panetto & Petrelli, Roma 1982

Il Foro di Cesare, Leo Olschki editore, Firenze, 1991

– Iter progettuale e problemi strutturali dell’anfiteatro di Lecce?, in BACT,1,2, Lecce 1996, pp.181 ss.

– Avec C. Giavarini, A. Samuelli Ferretti, The Basilica of Maxentius: the Monument, its Building, Materials and structural Stability, L’Erma di Bretschneider, Roma, 2006

– “Survey and technical analysis: a must for understanding ancient monuments” in ARCHAIA: Case Studies on Research, Planning, Characterisation, Conservation and Management of Archaeological Sites, BAR S1877, Oxford, 2008, pp. 29-41.

– “Dal monumento all’edificio: il ruolo delle dinamiche di cantiere”, in Arqueologia de la Construccion I, éd. S.Camporeale, H.Dessales, A.Pizzo, Mérida, 2008, pp. 13-31.

– “Selinunte, Tempio C: analisi tecnica per la ricostruzione”, in Palladio 2009, n.44, pp. 1-30.

– “A Cloaca maxima in the roman town of Privernum, Italy: the project, the plan, the construction”, in R. Carvais et al. (ed.), Nuts & Bolts of Construction History. Culture, Technology and Society. Proceedings of the Fourth International Congress on Construction History, Paris, Picard, 2012, pp. 565-581.

– “Hidden iron: high tech devices in roman imperial architecture”, Proceedings of the Fifth International Congress on Construction History, Chicago, 2015, pp. 63-71.

– Architettura romana. Dal cantiere all’architetto : soluzioni concrete per idee progettuali, L’Erma di Bretchneider, Roma 2016.
Modifications en cours de chantier : une clef d’interprétation des édifices antiques

L’étude soignée et approfondie d’édifices antiques de grande ampleur permet de révéler et d’identifier bon nombre de modifications, d’erreurs ou de rectifications de chantier, riches d’information pour déterminer l’évolution de la construction et en donner une vue d’ensemble plus proche de la réalité historique. Ces changements apportés, en cours de projet, non seulement aux détails, mais surtout à l’articulation et à la structure du bâtiment, conduisent parfois à un édifice fortement différent du projet originel et peuvent être erronément perçus comme des phases successives et non plus comme des ajustements en cours de construction. Citons par exemple les cas emblématiques du Panthéon et de la Basilique de Maxence, à Rome, où une lecture attentive et une analyse profonde des maçonneries conservées permettent, d’une part, de dévoiler des phases de chantier très significatives et par là-même une évolution chronologique différente et, d’autre part, de modifier de façon décisive l’interprétation traditionnelle des valeurs architecturales et monumentales de l’édifice antique.

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Pauline Ducret est doctorante en Histoire Ancienne à l’Université Paris 8 – Saint-Denis. Elle prépare, sous la direction conjointe de Catherine Saliou et de Stefano Camporeale, une thèse intitulée « La dynamique du  chantier. Construire à Rome et dans le Latium du IVe siècle av. J.-C. au Ier siècle ap. J.-C. ».

Elle a deux articles en cours de publication sur ce sujet :

– « The restoration of the columns of the templum Castoris during Verres’ praetorship: machine and organisation of the building site », dans Camporeale S., DeLaine J. et Pizzo A., Arqueología de la construcción V. Man-made materials, engineering and infrastructure (Oxford, University of Oxford, Ioannou Center, 11-12/05/2015), Anejos del AEspA, Merida, à paraître.

– « Une machine au service d’un chantier de restauration : le restucage des colonnes du temple des Castors à la fin de la République », dans Fleury F., Madeleine S. et Sammour K., Autour des machines de Vitruve. L’ingénierie romaine : textes, archéologie et restitution (Caen, 03-04/06/2015), Presses Universitaires de Caen, Caen, à paraître.

Entre malfaçon et montage juridique : Verrès et la restauration du temple des Castors

En 74 av. J.-C., Caius Verrès, alors préteur urbain, est chargé de vérifier le bon état de réfection des temples de Rome. Dans la Seconde Action contre Verrès, Cicéron raconte comment le préteur tente d’extorquer de l’argent à l’entrepreneur en charge du temple des Castors, sous prétexte de malfaçon. Le montage juridique que met en place Verrès repose sur des procédures romaines destinées à faire face aux malfaçons, notamment la probatio qui permet de vérifier, avant réception des travaux, que le cahier des charges a bien été respecté. Verrès l’utilise pour exiger de l’entrepreneur du temple des Castors qu’il redresse des colonnes qu’il estime désaxées. Le montage juridique et l’extorsion qui en découle semblent indéniables – du moins Cicéron réussit-il à nous en convaincre. Mais l’orateur tente aussi de convaincre son auditoire qu’il n’y a pas eu malfaçon, l’entrepreneur des travaux étant bien évidemment son client. Sur ce point, le doute semble permis : les travaux de redressement des colonnes semblent très complexes et requièrent l’emploi d’une main d’œuvre spécialisée dans le maniement des machines de chantier, dont le client de Cicéron ne dispose manifestement pas. Il n’est donc pas improbable que l’entrepreneur ait négligé cette partie des travaux, sûrement trop risquée et trop coûteuse pour lui.

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Marc Viré, archéologue, ingénieur de recherches (Institut national de recherches archéologiques préventives) Île-de-France, chercheur associé au LAMOP (Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris), UMR 8589

Président du Groupe d’études scientifiques des carrières et des applications du souterrain, Il coordonne depuis 2010 un séminaire avec Jean-Pierre Gély à l’Université de Paris 1, sur les carrières et la construction. Il a publié de nombreuses contributions sur ce sujet dans les congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques publiés par le CTHS.

Collège des Bernardins. Désordres dans le grand logis.

Le grand logis du collège des Bernardins, construit au milieu du XIIIe déformations importantes affectant les colonnes, les voûtes et partiellement le mur périphérique. A la lumière de la fouille archéologique menée pendant les travaux de restauration, nous avons pu faire une étude fine de l’édifice. Nous sommes en mesure de comprendre et détailler la structure de l’assiette et le processus de construction du bâtiment. Les choix structuraux et méthodologiques n’ont pas été adaptés au terrain gagné sur le fond de vallée. Il en a résulté des déformations qui se sont manifestées pendant les travaux et ont entrainé des modifications du projet, puis son inachèvement. Pour cette raison, la lecture du bâtiment a toujours été déficitaire.

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Yehudi Morgana, architecte, doctorant en Histoire de l’architecture, Ensa Paris La Villette. Il prépare une thèse d’architecture sous la direction de Valérie Nègre sur « L’histoire de l’entretien du bâtiment au XIXe et XXe siècle».
Les édifices sont des chantiers permanents. Cas de L’opéra Garnier (1875-1939).

Cette intervention ira à l’encontre d’une idée préconçue selon laquelle un bâtiment une fois construit est terminé. En réalité un bâtiment est un chantier permanent, la fin de l’édification ne marque que le début des travaux de réparation.

Pour justifier ce point de vue, cette présentation s’appuiera sur l’histoire du palais Garnier. En guise d’introduction, un fait marquant de la construction sera évoqué : la pose des toitures en 1869. A cette époque Garnier se plaignait de l’énergie qu’il devait déjà dépenser à entretenir et réparer le bâtiment encore inachevé. Ensuite sera évoqué l’utilisation de l’Opéra par ses locataires entre 1875 et 1939. On s’efforcera de montrer, à partir de quelques exemples, l’importance technique des pratiques d’entretien et à quel point la négligence et le manque de soins entraînent des dégâts extrêmement graves

La conclusion présentera deux points : un quantitatif montrant l’ampleur des détériorations post-construction, posant la question du poids financier de la maintenance dans le coût d’un édifice, enfin une hypothèse sur l’évolution du rôle de l’architecte dans les pratiques d’entretien entre le XIXe et le XXe siècle.