RIMs Rencontres Interdisciplinaires sur les métaux

RIMs
RENCONTRES INTERDISCIPLINAIRES SUR LES METAUX

 

Les Rencontres Interdisciplinaires sur les Métaux (RIMs) ont pour but de constituer un lieu d’échanges et de discussion autour des recherches menées sur les métallurgies et les métaux dans les sociétés anciennes. Les aires chrono-culturelles concernées s’étendent de l’Orient à l’Occident et de la fin de la Préhistoire à l’Époque moderne. Les approches interdisciplinaires fondées sur l’exploitation croisée des sources archéologiques, textuelles, ethnographiques et archéométriques y sont privilégiées. Ainsi, les séances sont destinées à promouvoir la combinaison et l’interaction des disciplines et des sources pour alimenter les grandes problématiques qui mobilisent la communauté scientifique et auxquelles les métallurgies participent : essor, déclin, mutation, transfert, innovation, appropriation, contrôle, commercialisation, circulation, datation, stratégie économique, gestion des ressources, mentalité/perception des matériaux et des savoir-faire. Les Rencontres Interdisciplinaires sur les Métaux se présentent donc comme un outil de recherche à la fois méthodologique et historique. Elles se déroulent deux fois par an au sein de l’une des institutions d’Ile de France encadrant ces rencontres : Laboratoire Archéomatériaux et Prévision de l’Altération (NIMBE UMR3685 CEA/CNRS et IRAMAT UMR5060 CNRS), le laboratoire Histoire des Pouvoirs, Savoirs et Sociétés (HPSS, EA1571 de l’Université Paris 8) et le laboratoire Archéologies et Sciences de l’Antiquité. (ArScAn – UMR7041- CNRS / Université Paris Ouest / Université Paris 1 / MCC).

Organisation et contacts : Philippe Dillmann, Maxime L’Héritier, Gaspard Pagès
– philippe.dillmann@cea.fr ; Laboratoire Archéomatériaux et Prévision de l’Altération (LAPA ; NIMBE UMR3685 CEA/CNRS et IRAMAT UMR5060 CNRS)
– maxime.l_heritier@univ-paris8.fr ; Histoire des Pouvoirs, Savoirs et Sociétés (HPSS – EA 1571 – Université Paris 8)
– gaspard.pages@mae.u-paris10.fr ; Archéologies et Sciences de l’Antiquité (ArScAn – UMR7041 – CNRS)

Première séance le ​jeudi 26 mars 2015

de 14h00 à 18h00

Université Paris 8, salle G-2

 
Programme :

 La « serrurerie » médiévale au regard de l’archéologie

Mathieu Linlaud, Université Paris Ouest Nanterre La Défense – UMR7041 ArScAn Archéologies et Sciences de l’Antiquité

Notre perception de la « serrurerie » médiévale s’est longtemps restreinte à l’étude des clés à partir des anciennes collections publiques et privées. Nos connaissances se limitaient alors aux classements réalisés depuis le milieu du XIXe siècle par les divers collectionneurs de serrurerie à travers l’Europe. L’importante quantité d’éléments de serrures et de cadenas : clés, ressorts, pênes… découverts depuis une vingtaine d’années avec la multiplication des opérations archéologiques malmène ces classifications stylistiques autrefois séduisantes mais aujourd’hui inutilisables pour l’archéologue. Cette nouvelle analyse des données en notre possession laisse entrevoir une évolution technique extrêmement riche et encore insoupçonnée entre le VIIIe siècle et le XVe siècle. Ces objets de la vie quotidienne permettent d’aborder différemment cette société médiévale qui les a pensés, fabriqués, utilisés, améliorés, remplacés, jetés et représentés. Cette présentation sera l’occasion d’exposer l’évolution technique générale de ces mécanismes telle qu’elle nous apparaît actuellement et de focaliser notre attention sur une innovation médiévale notable : la serrure bénarde. En effet, à notre connaissance, les artisans antiques n’ont ni tenté, ni réussi à créer un mécanisme qui s’ouvre des deux côtés à l’aide d’une même clé. Du moins, la documentation archéologique consultée n’en fait pas état. Au contraire, de nombreux vestiges archéologiques montrent que la société médiévale semble avoir été plus déterminée à relever ce défi technique très particulier au moins dès le Xe siècle. Cette innovation technique aura des conséquences importantes sur les manières d’habiter, de circuler dans les espaces urbains ainsi que sur les manières de vivre.

 La « pierre armée » à l’époque gothique. Concept historique ou réalité constructive ?

Maxime L’Héritier, Université Paris 8 – EA 1571 HPSS Histoire des Pouvoirs, Savoirs et Sociétés

L’architecture religieuse gothique se caractérise par un évidement toujours plus marqué des structures maçonnées au profit des ouvertures et des vitraux, notamment afin de faire rentrer davantage de lumière à l’intérieur des édifices. Les recherches menées au cours des trente dernières années ont mis en évidence que ce défi technique avait en partie pu être accompli grâce à l’usage de renforts internes destinés à renforcer ou consolider les  structures de  manière provisoire ou plus définitive. Cette alliance de la pierre et du fer, a été formalisée et en quelque sorte figée par A. Erlande-­‐Brandenbourg qui, à partir de ces observations, développa le concept de « pierre armée » étroitement associé à la période rayonnante. Les recherches interdisciplinaires menées depuis une dizaine d’années sur l’usage du métal dans plusieurs édifices du nord du royaume de France viennent éclairer de manière bien plus précise les conditions techniques et matérielles de l’utilisation de renforts métalliques dans l’architecture de pierre. La combinaison d’une analyse fine du bâti et de l’insertion de ces armatures, des données des sources écrites et des études archéométriques réalisées sur plusieurs centaines d’échantillons de fer et de plomb prélevés dans les maçonneries offre une vision bien plus dynamique et complexe de l’intégration progressive de ces matériaux dans l’architecture par les bâtisseurs médiévaux. Cette communication présentera l’étude de plusieurs monuments phares de la période gothique, notamment les cathédrales de Chartres, de Bourges et de Beauvais, qui permettent de suivre cette évolution de la conception constructive des maîtres d’œuvres du XIIIe siècle à travers leur perception des matériaux de construction et l’usage de plus en plus réfléchi qu’ils font du métal : de la consolidation a posteriori, au renforcement en cours de chantier, jusqu’à des armatures pleinement intégrées dès la conception de l’édifice.

 Provenance et datation des matériaux ferreux : nouvelles approches interdisciplinaires pour la reconstitution des réseaux d’échanges
Stéphanie Leroy, CNRS – Laboratoire Archéomatériaux et Prévision de l’Altération LAPA ; NIMBE UMR3685 CEA/CNRS et IRAMAT UMR5060 CNRS.

De la protohistoire aux périodes médiévales, la compréhension de l’usage, des échanges et de la circulation des matières premières et des matériaux ferreux revêt une importance majeure pour l’étude technico-­‐ économique des sociétés anciennes. Les données issues à la fois des études archéologiques, de l’utilisation  des sources écrites quand elles existent mais aussi des études archéométriques fournissent à ce titre un fort potentiel informatif  pour la restitution des modes d’organisation et des réseaux d’échange, de la production à la diffusion des matériaux ferreux. C’est dans ce contexte  que de nouvelles approches archéométriques ont été développées ces dernières années dans le but de fournir des données indispensables à l’appréhension de l’organisation la production, la circulation et la distribution des matériaux ferreux. L’une d’entre elles s’intéresse  notamment à l’étude de la provenance des objets ferreux qui, adaptée à la diversité de l’échantillonnage archéologique et expérimental permet de relier d’un point de vue géochimique les ressources en matières premières, les déchets de production et les objets utilisés sur les sites de consommation. Cette approche permet de tracer les origines géographiques possibles des objets et de proposer, en lien avec les contextes  archéologiques et historiques, la restitution de certains axes commerciaux. Une deuxième méthodologie innovante concerne la datation par méthode radiocarbone des métaux ferreux qui nous donne aujourd’hui la possibilité de dater de façon absolue les vestiges archéologiques ce qui peut, dans certains cas, nous  permettre de  préciser le contexte chronologique intervenant dans l’interprétation de l’organisation des réseaux d’échanges. Nous verrons comment ces deux nouveaux outils mis en place complètent et renouvellent parfois les recherches spécifiquement archéologiques et historiques et apportent, en s’intégrant dans une approche interdisciplinaire globale, un éclairage nouveau sur l’organisation de la circulation et des échanges de la matière première et des productions au sein des sociétés anciennes. Les approches seront ensuite illustrées à  travers deux exemples d’étude. D’une part, nous montrerons comment l’organisation du marché régional du fer dans les Pyrénées ariégeoises entre le 13e et 15e siècle, pourtant déjà bien cerné par les approches  historiques, a pu être précisée par l’étude des produits échangés à courte, moyenne et longue distance. D’autre part, et dans un tout autre contexte, nous présenterons les résultats récents obtenus dans le cadre d’une recherche sur les sources d’approvisionnement et l’organisation du réseau de production et de distribution angkorien au sein de l’empire khmer aux périodes comprises entre le 10e siècle et le 13e siècle.