Séminaire Histoire de la construction

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Reconstructions à répétition : les édifices palimpseste

Organisé par : Le Laboratoire de Médiévistique Occidentale de Paris (LaMOP) UMR 8589, CNRS – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Le Centre de théorie et analyse du droit (CTAD) UMR 7074, CNRS – Université Paris Nanterre et Le Laboratoire Archéologie et Philologie d’Orient et d’Occident (UMR 8546, ENS-CNRS-EPHE) avec le soutien du laboratoire d’excellence TransferS.

mardi 12 mars 2019 de 10h à 12h30 et de 14h à 17h30  

Lieu :
Pavillon de l’Arsenal
21, Bd Morland, 75004 PARIS
métro : Sully-Morland ou Bastille.

10h Introduction

10h15 Florian Cousseau, Post-doctorant, Université de Genève
Préhistoire : des architectures mégalithiques qui évoluent !
11h15 Jordan Boucard, Doctorant, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne
Reconstruire à l’époque romaine: le palimpseste vu au travers des édifices publics.

12h30-14h Déjeuner

14h Nicolas Moucheront, Doctorant, Université Iuav de Venise et à l’EHESS
Le palimpseste vénitien : réemplois de fondations sur quelques chantiers de la première Renaissance.
15h Andy Combey, Doctorant, Université de Grenoble
Cusco : Une ville palimpseste, un défi archéosismologique.

16h15 Revue de publications récentes sur l’histoire de la construction

Résumés

Florian Cousseau est post-doctorant à l’Université de Genève (Suisse) et membre associé à l’UMR6566-CReAAH. Sa thèse « Archéologie du bâti mégalithique dans l’ouest de la France », soutenue en 2016, a amené une nouvelle approche sur le mégalithisme grâce à l’application d’une méthodologie issue de l’étude des édifices historiques. Il a notamment étudié les sites de Barnenez à Plouezoc’h et de Carn à Ploudalemezeau dans le Finistère, ainsi que d’autres sites en Charente. Depuis, ses recherches portent sur différents sites mégalithes en Bretagne, notamment la nécropole de l’île Guennoc à Landéda dans le Finistère. Il a également collaboré à l’étude et à la valorisation des mégalithes du nord du Liban (Menjez, Akkar).

Préhistoire : des architectures mégalithiques qui évoluent !
Les architectures mégalithiques ont longtemps été considérées comme construites en un seul temps. Or, les travaux archéologiques menés depuis une quarantaine d’années dans l’ouest de la France montrent que ces architectures ont fait l’objet d’aménagements, plus ou moins importants, tout au long de leur utilisation. Les développements méthodologiques ont favorisé cette reconnaissance, en élargissant les zones d’études jusque-là cantonnées aux seuls dolmens, à l’intégralité des ensembles architecturaux. Dans cette optique, nous avons adapté les méthodes de l’archéologie du bâti à l’étude des architectures mégalithiques. Les élévations conservées étaient souvent laissées de côté, faute d’instruments méthodologiques pour les étudier. L’archéologie du bâti, a révélé comme pour les édifices des périodes historiques, une évolution des architectures mégalithiques : la construction de ces aménagements complexes se décompose fréquemment en plusieurs phases.

Bibliographie :

  • P. Bueno Ramírez, R. De Balbín Bermann, L. Laporte, P. Gouézin, F. Cousseau, R. B. Bermejo, A. H. Gismero, M. I. Cela, L. Quesnel, « Natural and artificial colours: the megalithic monuments of Brittany », Antiquity, n° 89, 2015, p. 55–71.
  • F. Cousseau, « Megalithic constructional techniques in north-west France: cairn III at Prissé- la-Charrière » L. Laporte et C. Scarre dir, The megalithic architectures of Europe, Oxford, Oxbow Books, 2015, p. 39-48.
  • F. Cousseau, Archéologie du bâti mégalithique dans l’ouest de la France, Thèse de doctorat Université de Rennes 1, 2016, 903 p.
  • R. Jousseaumer, « Du réaménagement des monuments funéraires néolithiques dans le Centre-Ouest de la France », Revue archéologique de Picardie, Numéro spécial, n° 21-1, 2016, p. 157-171.
  • R. Jousseaumer, L. Laporte, « Monuments funéraires néolithiques dans l’ouest de la France », R. Joussaume et al. dir, Origine et développement du mégalithisme de l’ouest de l’Europe, Bougon, Conseil Général des Deux-Sèvres : Musée des Tumulus, 2016, p. 319-344.
  • L. Laporte, « Restauration, reconstruction, appropriation ; évolution des architectures mégalithiques dans l’Ouest de la France, entre passé et présent », Munibe, Suppl. n° XX, Actes du colloque international de Beasain (Espagne), 2010, p. 15‐46.
  • L. Laporte, I. Parron, F. Cousseau, « Nouvelle approche du mégalithisme à l’épreuve de l’archéologie du bâti », I. Sénépart et al. (dir.), Méthodologie des recherches de terrain sur la préhistoire récente en France nouveaux acquis, nouveaux outils, 1987-2012, actes des Premières Rencontres Nord-Sud de Préhistoire récente (Marseille, mai 2012), Toulouse, Archives d’écologie préhistorique, p.169-186.
  • L. Laporte, F. Cousseau, P. Bueno Ramírez, P. Gouézin, « Le douzième dolmen de Barnenez : destructions et reconstructions au sein d’une nécropole mégalithique », Bulletin de la Société préhistorique française, n° 114, 2017, p. 93-114.

Jordan Boucard est en troisième année de thèse à l’université de Paris I sous la codirection de François Villeneuve (Paris I, Arscan) et Hélène Dessales (ENS, AOrOc). Ses recherches portent sur la réaffectation des espaces privés lors des chantiers de construction publics dans le monde romain. Dans le cadre de cette thèse, des recherches sont menés sur différents sites archéologiques tel que Baelo Claudia (Espagne), Forum Julii (France), Castrum Novum (Italie) ou encore Gerasa (Jordanie). Les méthodes de travail utilisées sur le terrain sont empruntées à l’archéologie de la construction.

Reconstruire à l’époque romaine : le palimpseste vu au travers des édifices publics
La réoccupation de bâtiments et structures à caractère privé lors de l’édification des monuments publics durant le Haut-Empire romain est une pratique connue par les textes et les vestiges archéologiques. Les constructeurs doivent alors s’adapter à un espace déjà occupé. Pour cela, trois cas de figures se distinguent : l’arasement total des vestiges, la conservation totale des édifices anciens ou la conservation partielle de ces derniers. C’est dans ces deux derniers cas que le phénomène de «palimpseste » architectural peut être identifié. Les recherches de terrain permettent de comprendre comment s’opèrent :

  • le changement de fonction des bâtiments la conservation
  • la déconstruction ou la construction des élévations
  • le réemploi de matériaux ou de décors architectoniques dans le nouvel édifice

L’étude des techniques de construction, réalisée à Forum Julii (Gaule) et Baelo Claudia (Hispanie), permet de renseigner ces différents points.

Bibliographie :

  • A. Bouet, Les thermes privés et publics en Gaule Narbonnaise, Rome, 2013, 416 p.
  • L. Brassous, « Le centre monumental de Baelo Claudia. Rapport 2017 – Archéo-CVZ », Archéo-CVZ [en ligne], URL : https://archeocvz.hypotheses.org/1386
  • D. Brentchaloff, Fréjus (Var), Rapport sur la fouille de sauvetage programmé de la résidence Saint-Antoine, campagne 1979, 1133, Rapport de fouilles archéologiques, 1979, 45 p.
  • D. Brentchaloff, « La nécropole du clos Saint-Antoine », Dossiers d’Archéologie, 57, 1981, p. 44‐47.
  • D. B. Casasola, A. A. Gonzalez et A. M. S. Romero, « Nuevas evidencias de la ocupación en época republicana (ss. II-I a.C.) », in Las « Cetariae » de « Baelo Claudia »: avance de las investigaciones arqueológicas en el barrio meridional (2000-2004), 2007, p. 237‐354.
  • P. Sillières, M. Fincker et J.-M. Labarthe, Baelo Claudia: une cité romaine de Bétique, 1995, 237 p.

Nicolas Moucheront est doctorant en histoire de l’architecture à l’université Iuav de Venise et à l’EHESS. Après des recherches sur le pont Notre-Dame à Paris et sur l’architecture contemporaine italienne, il travaille actuellement dans le cadre de sa thèse les transformations du palais des Doges de Venise à l’époque moderne.

Le palimpseste vénitien : réemplois de fondations sur quelques chantiers de la première Renaissance
Entre la période médiévale et la Renaissance, on observe une grande permanence des typologies de l’architecture vénitienne. La ville résiste pour des raisons culturelles mais également techniques à l’introduction d’innovations architecturales. Cette communication entend mettre en avant les conséquences sur plusieurs édifices construits ou reconstruits entre 1468 et 1514 du réemploi de fondations médiévales.
L’accent sera porté dans une première partie sur le « revival byzantin ». Cette expression désigne l’utilisation récurrente dans l’architecture religieuse vénitienne de la première Renaissance du plan en quinconce d’origine byzantine. Des interprétations divergentes ont été faites de ce choix formel. Dans les cas des églises Santa Maria Formosa et San Giovanni
Crisostomo toutes deux attribuées à Mauro Codussi, les dimensions des édifices précédents ont eu un fort impact sur le plan adopté.
Dans une seconde partie nous évoquerons les désordres occasionnés par le réemploi de fondations, voire de pans entiers de maçonneries. L’angle du palais des Doges situé à proximité du Pont des soupirs est un cas symptomatique tout comme le palais Dolfin sur la riva del Ferro à Rialto attribué à Jacopo Sansovino. Les interventions de consolidation de ces deux édifices qui se succèdent tout au long de l’époque moderne révèlent la suture imparfaite entre l’ancien et le nouveau.
Les tassements différentiels auquel les édifices vénitiens sont sujet, du fait d’un sol meuble et transformé de longue date par les interventions humaines, ne concernent cependant pas seulement Venise. Ce phénomène qui laisse des traces visibles en élévation mais aussi dans les documents d’archives, peut servir à reconstituer les différentes phases de construction d’édifices à première vue homogènes.

Bibliographie :

M. Tafuri, Ricerca del Rinascimento, Turin, Einaudi, 1994.

W. Dorigo, Venezia romanica. La formazione della città medioevale fino all’età gotica, Sommacampagna, Cierre, 2003.

E. Concina, Tempo novo. Venezia e il Quattrocento, Venezia, Marsilio, 2006.

B. Jestaz, Monuments vénitiens de la première Renaissance à la lumière des documents, Venezia, Paris, Istituto Veneto di Scienze Lettere ed Arti, Picard, 2017.

Andy Combey est doctorant en première année à l’Université de Grenoble, sous la direction de Laurence Audin (ISTerre – IRD) et David Gandreau (AE&CC-CRAterre). Membre du CDP (Cross Disciplinary Project) RISK ses recherches portent sur la détection et le recensement de désordres architecturaux d’origine sismique dans le bâti archéologique de la région de Cusco (Pérou) et visent à une meilleure compréhension de la sismicité régionale. Diplômé d’un master d’archéologie précolombienne à l’Université Paris I – Panthéon Sorbonne, son mémoire s’intéressait aux stratégies de gestion de l’eau et aux dynamiques de peuplement dans les hauteurs de la Cordillère Noire au Pérou.


Cusco : Une ville palimpseste, un défi archéosismologique

Déclarée, dès 1933, « Capitale archéologique d’Amérique » par le Congrès des Américanistes réuni à La Plata, Cusco ne cesse de susciter l’intérêt et d’éveiller la curiosité de touristes et chercheurs du monde entier. Qu’elle soit le « nombril » de la vaste entité politique Inca au XVe siècle, la cité coloniale florissante sur la route des métaux précieux ou encore la ville républicaine décadente, Cusco demeure un ensemble urbain singulier, modèle et reflet des projets politiques qui se sont succédés.
S’il est certain que la Conquête a représenté une rupture chronologique entrainant d’importants bouleversements, la grande complexité urbanistique actuelle de Cusco réside plutôt dans l’étonnante continuité du cadastre et des modalités d’installation. Loin de faire table rase de la ville préhispanique les premiers Espagnols ont fait le choix de s’insérer dans le réseau urbain préexistant et de le remanier progressivement. C’est dans ce véritable palimpseste urbain où s’entremêlent, se recoupent et se superposent plusieurs étapes et périodes constructives qu’intervient notre étude archéosismologique. L’histoire de Cusco est ponctuée de nombreux séismes violents (1650, 1950, 1986) qui constituent de véritables tournants dans le développement de la ville. Destructeurs, ces tremblements de terre ont paradoxalement joué le rôle de véritables révélateurs de la stratification du paysage « cusquénien » et contribué à la complexification du schéma urbain.
Dans cette présentation, il sera question des défis lancés mais aussi des opportunités
offertes par la réalisation d’une étude archéosismologique dans cette ville palimpseste. En effet, si la caractérisation et la datation de certains désordres architecturaux dans une telle mosaïque urbaine requièrent une connaissance fine de l’histoire de la ville, l’ampleur chronologique permettra peut-être de raffiner le catalogue sismique régional.

Bibliographie :

  • M.O. Aparicio Flores et E. Marmanillo Casapino, Cusco sismo 86: evaluación de inmuebles del centro histórico, Imprenta Pantigoso, INC, Cusco 1989, 103 p.
  • J. A. Beltrán-Caballero, “El conjunto arqueológico de Saqsaywaman (Cusco): una aproximación a su arquitectura”, Revista Española de Antropología Americana, n° 44-1, 2013, p. 9-38.
  • J. Brisseau-Loaiza, Le Cuzco dans sa région : Étude de l’aire d’influence d’une ville andine, Travaux de l’IFEA, Lima, Institut Français d’études andines, 1981.
  • J. Cabrera et M. Sébrier, “Surface Rupture Associated with a 5,3-mb Earthquake : The April 1986 Cuzco Earthquake and Kinematics of the Chincheros-Qoricocha Faults of the High Andes, Peru”, Bulletin of the Seismological Society of America, n° 88-1, 1998, p. 242-255.
  • R. Carreño et M. Gibaja, « Le Centre Historique de Cusco: Le processus d’une perte », 15th ICOMOS General Assembly and International Symposium: ‘Monuments and sites in their setting – conserving cultural heritage in changing townscapes and landscapes’, 17-21 octobre 2005, Xi’an, China, 2005.
  • I. Farrington, Cusco: Urbanism and Archaeology in the Inka World, Gainesville, University Press of Florida, 2013.
  • G. Kubler, Cuzco. Reconstruction of the town and restoration of its monuments. Report of the UNESCO Mission of 1951. UNESCO, Museums and Monuments – III, Paris, 1952, p. 38.
  • N. Rey, « La construction du risque urbain en périphérie nord-est de Cusco (Pérou) », Bulletin de l’Institut Français d’Études Andines, n° 36-2, 2007, p. 259-276.
  • M.A. Rodríguez-Pascua, R. Pérez-López, F. Martín-González, J.L. Giner-Robles et P.G. Silva, « Efectos arquitectónicos del terremoto de Lorca del 11 de mayo de 2011. Neoformación y reactivación de efectos en el Patrimonio Cultural », Boletín Geológico y Minero, n° 123-4, 2012, p. 487-502.
  • J. Tamayo Herrera (ed.), « El terremoto: una catástrofe modernizadora », Historia Social del Cusco Republicano, Lima, Universo, 1981, p. 161-191.
  • H. Villanueva Urteaga, « Documentos sobre el terremoto de 1650 », Revista del Archivo Histórico del Cusco, n° 13, 1970, p. 203-220.
  • A. Vranich, S. Berquist et T. Hardy, « Prehistoric Urban Archaeology in the Americas: A View from Cusco, Peru », Learning from the past, preparing for the future, Backdirt, Annual Review of the Cotsen Institute of Archaeology at UCLA, 2014, p. 58-67.
  • Des informations complémentaires sur la ville de Cusco et son patrimoine, https://whc.unesco.org/en/list/273