Séminaire Histoire de la construction

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Organisé par
Le Centre de théorie et analyse du droit
(CTAD) UMR 7074, CNRS – Université Paris Nanterre
Le Laboratoire Archéologie et Philologie d’Orient
et d’Occident (UMR 8546, ENS-CNRS-EPHE)
Le laboratoire Orient & Méditerranée.
Textes Archéologie Histoire (UMR 8167,
CNRS-Sorbonne Université – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
L’Université de Lausanne

avec le soutien de l’EUR Transliterræ
Mardi 6 février 2024
de 10h00 à 17h00

10h00   Introduction par Clothilde Azzi, Université Paris-Est-Créteil et Université ENS-PSL

10h15  Sarah Vyverman, Université ENS-PSL et UCLouvain

Panorama des ouvertures du Caseggiato delle Trifore à Ostie

10h50  Maxime Excoffon, Université Lyon 2

 L’apport de l’archéologie expérimentale dans la recherche sur la forme et la production des systèmes de fermeture (Gaule méridionale, Ier s. av. J.-C.). 

11h25  Jérôme André, Université de Lausanne 

Sur le pas de la porte : un nouveau regard sur les seuils d’Érétrie

12h00  Géraldine Frère, UNamur

Specularia, la production du vitrage romain à la lumière de l’archéologie expérimentale

12h35   Romane Desarbre, Università degli studi di Padova

Les fenêtres de la région vésuvienne, approches diverses

13h10 – 14h30     Pause Déjeuner

14h30  Nicolas Moucheront, Iuav/EHESS

La fermeture des loges du Palais des doges de Venise. De l’espace ouvert aux salles d’audience

15h05  Table ronde: Aurélien Cottençon, Antonin Eyssette, étudiants du DSA patrimoine de l’ENSA Paris-Belleville, et Judicaël de la Sourdière-Niault, architecte,

La restauration des menuiseries

Résumés des interventions

Clothilde Azzi est doctorante en histoire de la construction au sein du CRHEC de l’Université Paris-Est-Créteil et du laboratoire AOrOc de l’ENS-PSL. Ses recherches, menées sous la direction de Sylvie Rougier-Blanc et Hélène Dessales, sont consacrées à l’étude des structures temporaires en bois et en matériaux légers utilisées sur les chantiers de construction grecs et romains.


Sarah Vyverman est doctorante en archéologie à l’ENS-PSL et à l’UCLouvain. Sa recherche doctorale, dirigée par Hélène Dessales (ENS, AOrOc, UMR8546, CNRS-PSL) et par Marco Cavalieri (UCLouvain, INCAL), porte sur l’étude archéologique, diachronique et topographique d’un îlot du site d’Ostie comprenant le Caseggiato delle Trifore (III, III, 1) et l’édifice adjacent (III, III, 2). Elle est accueillie à l’École française de Rome durant l’année académique 2023-2024 dans le cadre d’une bourse Jean Walter-Zellidja.  

Panorama des ouvertures du Caseggiato delle Trifore à Ostie

Découvert à la fin des années 1930 dans les quartiers occidentaux d’Ostie par les archéologues Giovanni Becatti et Guido Calza, le Caseggiato delle Trifore, construit dans la ville portuaire pendant la seconde moitié du IIème siècle ap. J.-C., est caractéristique d’un nouveau type architectural se développant verticalement sur plusieurs étages. Bien que n’ayant jamais bénéficié d’une étude approfondie depuis sa mise au jour, il est mentionné dès 1953 dans le premier volume de la collection des « Scavi di Ostia » où il s’est vu nommé par ses auteurs d’après ses ouvertures particulières : ses « trifore » percées dans la façade arrière. Ces dernières se présentent sous la forme d’une alternance de trois fenêtres ou de deux fenêtres de part et d’autre d’une porte. En plus de celles-ci, cette communication présentera les autres types d’ouvertures observables dans le bâtiment et les interventions de construction associées. Il s’agira donc également de proposer une application de la base de données ACoR (Atlas des techniques de la Construction Romaine) dans cet édifice d’Ostie, utilisée dans une démarche typologique pour l’étude des ouvertures, de leurs parties constituantes (seuils, piédroits et linteaux), mais aussi de différentes étapes du chantier de construction liées à celles-ci (comme les arcs). Cet outil méthodologique sera en outre employé pour comparer les ouvertures du Caseggiato delle Trifore d’Ostie avec celles d’autres édifices du même site.  

Bibliographie sélective 

N. Bauers, Scavi di Ostia XVI. Architettura in laterizio a Ostia. Ricerche sulle insulae dell’Ercole Bambino e del Soffitto dipinto, vol. 16, Roma, 2018.

E. Letellier-Taillefer, « Typology and cartography of construction techniques for openings », in:

H. Dessales (ed.), The Villa of Diomedes, 2020, p. 207-218.

C. Pavolini, La vita quotidiana a Ostia, Laterza Bari-Roma, 1986.

J. Schoevaert, Les boutiques d’Ostie : l’économie urbaine au quotidien. Ier s. av. J.-C. – Vème ap. J.-C., Collection de l’Ecole française de Rome, n°537, Rome, 2018.

P. Tomassini, Ostie. Fenêtres sur cour. Le Caseggiato delle Taberne Finestrate : reconstruire cinq siècles de vie ostienne, Peeters, Babesch Supplements Series 44, 2022.  

S. Vyverman, « Ricerche in corso sull’Insula delle Trifore (III, III) a Ostia antica : tra documentazione d’archivio e analisi stratigrafica delle strutture », in : S. Benedetti, F. Benfante, I. Benincampi, D. Bigi, L. Kosmopoulos, Forme dell’abitare a Roma. Echi dell’antico nell’architettura del primo Novecento, Atti del convegno Roma 23-25 novembre 2021, Gangemi Editore, 2023, p. 33-40.


Maxime Excoffon est doctorant à l’Université Lumière Lyon 2 (laboratoire HiSoMA) et ingénieur contractuel à l’INSA de Lyon. Il co-dirige avec Fabrice Ville (INSA Lyon, laboratoire LaMCoS), un programme d’archéologie expérimentale sur la porte principale du site de JastresNord (Ier s. av. J.-C.).

L’apport de l’archéologie expérimentale dans la recherche sur la forme et la production des systèmes de fermeture (Gaule méridionale, Ier s. av. J.-C.).

Les vestiges archéologiques des systèmes de fermeture se réduisent bien souvent, pour les périodes anciennes, à quelques traces dans le bâti, parfois accompagnées d’éléments métalliques et de résidus de bois. À l’opposé, les cas de conservation exceptionnels et l’iconographie nous laissent entrevoir une grande diversité de modèles et de formes. Les portes, points de contrôle de l’accès, sont les supports de pratiques sociales et culturelles et constituent à ce titre des éléments fondamentaux à intégrer dans la réflexion sur les espaces et leurs usages. Elles sont aussi le produit d’un artisanat, celui du bois, encore trop mal connu.  

L’état lacunaire de la documentation disponible sur ces éléments impose de mettre en place une approche globale et pluridisciplinaire. La première étape de nos travaux, portant sur les systèmes de fermeture en Italie et en Gaule méridionale entre le VIe s. av. J.-C. et Ie Ier s. ap. J.C., a été de réaliser une vaste synthèse des témoignages issus de la littérature latine, de l’iconographie étrusque, grecque et romaine, ainsi que des vestiges exceptionnels résultant de l’éruption du Vésuve en 79 ap. J.-C.  Toute cette documentation est indispensable pour établir une base de connaissances sans lesquelles nous ne saurions donner sens à des vestiges beaucoup plus ténus.

Nous nous concentrerons sur le cas de la porte principale du site de Jastres-Nord (Ardèche, Ier s. av. J.-C.). On dispose dans ce dossier d’un grand nombre de ferrures provenant du système de fermeture carbonisé. L’analyse de ces ferrures s’appuie sur un projet d’archéologie expérimentale (en partenariat avec Fabrice Ville, INSA Lyon) visant à mieux comprendre les techniques employées par les artisans du bois helviens pour produire la porte. Un autre aspect du projet consiste à tenter de « reconstruire » la porte de Jastres dans les ateliers de charpenterie et de métallerie de l’École de Production de La Giraudière. Nous présenterons les premiers résultats de ces projets en nous questionnant sur la façon dont les données expérimentales peuvent être intégrées dans une réflexion plus générale sur les systèmes de fermeture.

Bibliographie sélective

M. Excoffon, « Restituer les structures de bois disparues en archéologie : approche par l’analyse des déformations subies par les clous », à paraître dans les actes du colloque international Corpus (2023).  

L. Michielin, Fores et fenestrae: a computational study of doors and windows in Roman domestic space, Oxford, 2021, 288 p.

V. Barrière, Les portes de l’enceinte antique d’Autun et leurs modèles (Gaule, Italie, provinces occidentales de l’Empire romain), thèse de doctorat, Université de Bourgogne, 2012. R. Ulrich, Roman woodworking, Londres, 2007, 376 p.

C. Lefebvre, Oppida helvica : les sites fortifiés de hauteur du plateau de Jastres, Ardèche, Paris, 2006, 487 p.

A. Bouet, « Seuils de pierre en Gaule méridionale : l’exemple d’Olbia (Hyères, Var) », Revue archéologique de Narbonnaise, n°27-28, 1994, p. 9-39.


Jérôme André est doctorant en archéologie aux universités de Lausanne et Lyon 2. Il réalise une thèse consacrée à l’étude des techniques de construction dans l’architecture érétrienne, sous la direction de Sylvian Fachard et Jean-Charles Moretti. Il est engagé au sein du projet de fouilles et de recherches sur le sanctuaire d’Artémis à Amarynthos (Grèce), financé par le Fonds national de la recherche scientifique (FNS). Dans ce cadre, il s’intéresse aux techniques de construction et matériaux mis en œuvre dans le bâti érétrien et amarynthien, de l’époque archaïque à hellénistique. Auparavant, il a travaillé comme collaborateur scientifique de l’École suisse d’archéologie en Grèce en tant que responsable des relevés topographiques et photogrammétriques. Outre son projet de thèse, il mène des recherches sur les drakospita du sud de l’Eubée et fait partie des responsables du programme de fouilles au sommet du mont Oros à Égine.

Sur le pas de la porte : un nouveau regard sur les seuils d’Érétrie

Le bâti antique d’Érétrie est parmi les mieux connus des cités du monde grec. Plusieurs édifices publics importants, de même que certains quartiers d’habitation ont fait l’objet de recherches et de publications détaillées. Cependant, malgré cette bonne connaissance générale du bâti érétrien, aucune étude ne s’est penchée de manière approfondie sur la question des ouvertures, et en particulier des portes. Il est vrai que la faible conservation des vestiges, souvent limitée aux substructions, ne facilite pas leur analyse et leur restitution. Ainsi, aucune fenêtre n’est conservée et elles ne peuvent être restituées que par comparaison avec des édifices similaires sur d’autres sites. Pour les portes en revanche, de nombreux seuils de pierre sont conservés, tant dans des maisons privées que dans des bâtiments publics.

Cette contribution vise à présenter une brève synthèse sur les seuils érétriens. Par leur mise en série, il s’agit de distinguer les différentes typologies existantes et leurs évolutions. L’analyse des mortaises et de la relation entre le seuil et les maçonneries permet dans certains cas de proposer des reconstitutions des techniques mises en œuvre et des élévations. Enfin, une analyse spatiale sera employée pour examiner la répartition des seuils en fonction du type de pièce. Cette présentation sera également l’occasion d’examiner en détail quelques portes et seuils récemment mis au jour à Érétrie et dans les sites alentour.

Bibliographie sélective

A. Büsing-Kolbe, « Frühe griechische Türen », JDAI 93, 1978, p. 66-174.

P. Ducrey et al., Le quartier de la Maison aux mosaïques, Lausanne : Payot, 1993.

R. Kyllingstad et E. Sjöqvist, « Hellenistic Doorways and Thresholds from Morgantina », Acta ad archaeologiam et artium historiam pertinentia 2, 1965, p. 23-34.

M. T. Lauritsen, « Ter Limen Tetigi: Exploring the Role of Thresholds in the Houses of Pompeii and Beyond », in A. A. Di Castro et al. (éd.), Housing and habitat in the ancient Mediterranean: cultural and environmental responses, Louvain: Peeters, 2015, p. 299-312.

K. Reber, Die klassischen und hellenistischen Wohnhäuser im Westquartier, Lausanne: Payot, 1998.

K. Reber et al., « L’Artémision d’Amarynthos (campagne 2020) », Antike Kunst 64, 2021, p. 143-154.

Th. Theurillat et al., Les thermes du centre, Gollion: Infolio, 2020.

S. Verdan et al., « The early phases in the Artemision at Amarynthos in Euboea, Greece », in T. E. Cinquantaquattro et M. D’Acunto (éd.), Euboica II. Pithekoussai and Euboea between East and West, Naples, 2020, p. 73-116.


Géraldine Frère est doctorante à l’Université de Namur (AcanthuM/PaTHs) en archéologie romaine. Sous la direction de Julian Richard (UNamur, AcanthuM/PaTHs), sa recherche doctorale traite des productions et économies du verre à vitre en Gaule Belgique et Germanie Inférieure, entre les Ier et Ve s. 

Specularia, la production du vitrage romain à la lumière de l’archéologie expérimentale

Dès la première moitié du Ier s. ap. J.-C., les fenêtres des édifices privés et publics, urbains et ruraux, sont closes par des carreaux en verre. D’une trentaine de centimètres de côté, ils sont associés dans un châssis quadrillé en plomb ou bois afin d’apporter de la lumière dans les espaces, tout en les protégeant des intempéries. Depuis le début du XXe siècle, les aspects socio-économiques et techniques de cette industrie et de l’utilisation du vitrage dans l’architecture romaine ont fait l’objet de plusieurs recherches. Les traces d’outils observées dans les coins et sur les bords, ainsi que la rugosité et l’empreinte qui caractérisent l’une des surfaces de la vitre, se justifient par la théorie de la technique du verre coulé étiré. Cette technique consisterait à couler du verre en fusion sur une surface, en pierre ou en céramique, dotée d’un cadre, puis à l’étirer à l’aide d’outils. Au vu des caractéristiques du verre, différentes techniques pourraient avoir été employées. Depuis le début des années 2000, des verriers anglais travaillent sur cette production, et produisent des vitres sans avoir recours à un cadre. Les résultats obtenus, ainsi que l’observation minutieuse du matériel archéologique retrouvé en Gaule Belgique et Germanie inférieure, entre le Ier et le Ve s., a soulevé d’autres questions autour de la chaine opératoire de cette industrie. Afin d’apporter un nouvel éclairage et de tester d’autres techniques, Specularia, un projet d’archéologie expérimentale, a été mis en place en juillet 2023. 

Bibliographie sélective

D. Allen, “Experiments in Early Window Glass: Four Production Methods and Their Possible Use in Roman Britain”, Journal of Glass Studies, vol. 65 (2023), p. 39-60.

P. Cosyns, « Le verre à vitre en Belgique à l’époque gallo-romaine », dans S. Lagabrielle et M. Philippe, Verre et Fenêtre de l’Antiquité au XVIIIe siècle. Actes du premier colloque international de l’association Verre&Histoire (Paris-La Défense/Versailles, 13-14-15 octobre 2005), Paris, 2009, p. 17-24.

D. Foy (dir.), De transparentes spéculations : vitres de l’Antiquité et du haut Moyen âge, Occident-Orient. Exposition temporaire en liaison avec les 20èmes Rencontres de l’AFAV sur le thème du verre plat, Musée-site archéologique, Bavay-Bagacum, 01-10-2005 au 31-122005, Bavay, 2005. 

D. Foy et S. Fontaine, « Diversité et évolution du vitrage de l’Antiquité et du haut Moyen Âge :

un état de la question », Gallia, t. 65, 2008, p. 405-459.

G. Frère, « L’approche pluridisciplinaire dans l’étude de la production et de la consommation du vitrage romain : enjeux, limites et solutions », C@hiers du CRHiDI. Histoire, droit, institutions, société [En ligne], Vol. 47 – 2023, URL : https://popups.uliege.be/13702262/index.php?id=1713


Romane Desarbre est doctorante en archéologie de la construction romaine au Dipartimento dei Beni Culturali à l’Università degli Studi di Padova (Italie) sous la direction de Jacopo Bonetto (dBC, Università degli Studi di Padova). Elle prépare actuellement une thèse consacrée aux fenêtres dans le monde romain et plus particulièrement dans la région vésuvienne à la fin de la République et au début de l’empire romain. Son étude s’appuie à la fois sur des techniques d’archéologie du bâti mais également sur des questions de restitution du paysage et d’analyse syntaxique de l’espace. Elle est actuellement accueillie pour un séjour d’étude auprès du laboratoire AOROC-UMR 8546 (ENS/PSL, CNRS, EPHE), sous la supervision de Hélène Dessales.  

Les fenêtres de la région vésuvienne, approches diverses

Souvent négligées dans les études sur la région vésuvienne, les fenêtres constituent pourtant un élément fondamental des élévations architecturales. En effet, elles sont à la fois un point d’entrée de la lumière et de l’air au sein des bâtiments et une ouverture privilégiée sur le paysage environnant.  Ces éléments sont déjà mentionnés par Pline le Jeune dans la description de ses villae au sein de sa correspondance. De plus, la région vésuvienne, par son état de conservation exceptionnel du fait de l’éruption de 79 ap. J.-C., montre une forte diversité des situations constructives, avec autant de solutions que d’édifices. Néanmoins, on peut se demander s’il est possible d’observer des logiques plus globales à l’échelle chronologique, à l’échelle géographique ou à l’échelle fonctionnelle. La proposition de cette communication est précisément d’offrir une approche transversale pour étudier les fenêtres de la région du Vésuve. Ainsi à travers l’exemple de plusieurs édifices de la baie de Naples (à Pompéi, à Oplontis et à Herculanum), on essaiera d’interroger les liens pouvant exister entre différentes variables afin de mieux comprendre les logiques des choix constructifs au sein de ces différents bâtiments selon leurs différentes modalités.

Bibliographie sélective  

M. A. Anderson, D. Robinson, R. Jones, H. Cool, R. Hobbs, C. A. Murphy, House of the Surgeon, Pompeii: Excavations in the Casa Del Chirurgo (VI 1, 9-10.23), Oxford Philadelphia, Oxbow Books, 2018.

C. Irelli, La casa del colonnato tuscanico ad Ercolano, Memorie dell’Accademia di archeologia, lettere e belle arti di Napoli, 1974.

J. R. Clarke, N. K. Muntasser, Villa A (“of Poppaea”) at Torre Annunziata, Italy. Volume 1. The Ancient Setting and Modern Rediscovery, American Council of Learned Societies, 2014, en ligne.

H. Dessales (éd.), The Villa of Diomedes; The making of a Roman villa in Pompeii, Paris/Rome, Hermann, 2020.

L. Fergola, Oplontis e le sue ville, Pompei, Flavius, Archeologia vesuviana, 2004.

E. K. Gazda, J. R. Clarke, L. J. McAlpine, Leisure & Luxury in the Age of Nero: The Villas of Oplontis near Pompeii, Ann Arbor, Michigan, Kelsey Museum of Archaeology, Kelsey Museum publication 14, 2016.

M. Grimaldi, Pompei: la casa di Marco Fabio Rufo, Napoli, Valtrend, Pompei, 2014.

L. Michielin, Fores et Fenestrae: A Computational Study of Doors and Windows in Roman Domestic Space, Edinburgh, University of Edinburgh, en ligne.

A. Wallace-Hadrill, Herculaneum Past and Future, London, Frances Lincoln, 2011.


Nicolas Moucheront est doctorant en histoire de l’architecture à l’université Iuav de Venise et à l’EHESS. Après des recherches sur le pont Notre-Dame à Paris et sur l’architecture contemporaine italienne, il travaille actuellement dans le cadre de sa thèse sur les transformations du Palais des Doges de Venise à l’époque moderne.

La fermeture des loges du Palais des Doges de Venise. De l’espace ouvert aux salles d’audience

Le premier étage du Palais des Doges de Venise présente des loges ouvertes tant sur la cour que sur les places attenantes dans lesquelles siégeaient les magistratures s’occupant en première instance des affaires civiles. Cet espace ouvert aux quatre vents est aménagé au XIIe et XIIIe siècles pour accueillir un nombre croissant de magistratures et reçoit ses formes monumentales actuelles aux XIVe et XVe siècles, au cours de la reconstruction gothique des ailes sud et ouest du Palais des Doges qui accompagne le passage de la Commune de Venise à la Sérénissime Seigneurie. Au XVIe siècle et au début du XVIIe siècle on assiste à une progressive fermeture des loges qui sans modification apparente des façades extérieures sont intérieurement subdivisées en salles dotées chacune d’une antichambre. Ce passage d’un exercice de la justice en plein air à des audience à huis clos traduit une transformation de la représentation du pouvoir qui sera ici analysée à l’aide d’une étude matérielle des seuils.

Alors que le mobilier était le support de l’essentiel du décor peint et sculpté dans cette partie du Palais des Doges, des chambranles en pierre de portes et de fenêtres aux modénatures classiques font au cours du XVIe siècle leur apparition dans les loges médiévales. Les inscriptions, les dates et les blasons lisibles sur ces éléments permettent de suivre les principales phases de fermeture des loges mais le décor peint sur toile qui se développe dans ces nouvelles salles a aujourd’hui disparu.

Nous chercherons ici à restituer les dispositifs mobiles d’ouvertures et de fermeture des tribunaux médiévaux puis nous analyserons deux étapes cruciales du processus de clôture des loges. En 1560, la salle du Piovego située au cœur de la loge méridionale est dotée de portes et de fenêtres dont le dessin a récemment été attribué à Andrea Palladio, puis la loge occidentale aujourd’hui restaurée dans ses formes médiévales reçoit un traitement identique vers 1614. Les risques que l’ouverture de cet espace font courir pour la sécurité de l’ensemble du Palais des doges sont attestés par la documentation contemporaine de ces deux grands chantiers de transformation. Deux grandes fêtes permettent également en 1557 et en 1597 d’expérimenter l’introduction d’un décor classique dans les loges gothiques. Les juges se retranchent derrière des fenêtres dotées de grilles et une succession de portes monumentales, tandis que les espaces extérieurs ne servent plus que de tribune pour assister aux spectacles organisés dans la cour, sur la Piazzetta ou le bassin de Saint-Marc. 

Bibliographie sélective

F. Zanotto, Il Palazzo ducale di Venezia, 2e éd., Venezia, Antonelli, 1853, vol. 1, « Piante generali della fabbrica », p. 29-73 (annotations de la pl. XII).

N. Grujić, « Les loggias communales en Dalmatie aux XVe et XVIe siècles », Public Buildings in Early Modern Europe, Turnhout, Brepols, 2010, p. 53-64.

A. Foscari, «Andrea Palladio in Palazzo Ducale. Il restauro della Sala del Piovego e dell’Ufficio degli Auditori», dans Saggi e Memorie di storia dell’arte, vol. 41, 2017, p. 84-97.

C. Tosco, Architettura italiana del Duecento, Bologna, Il Mulino, 2021, chap. 3, p. 117-178.


Table ronde: Aurélien Cottençon, Antonin Eyssette (étudiants du DSA patrimoine de l’ENSA Paris-Belleville) et Judicaël de la Sourdière-Niault (architecte)

La restauration des menuiseries

La mise aux normes thermiques d’un édifice impose dans la plupart des cas une réfection de ses menuiseries. Comment faire face à cette exigence dans le cas d’édifices classés dont les menuiseries sont partie prenante du dessin de façade ?  

Paradoxalement, cette question a davantage été traitée concernant des édifices appartenant au patrimoine du XXe siècle, dont les pans de verre aux fines menuiseries générant des pertes thermiques considérables sont parfois et à juste titre considérés comme des chefs-d’œuvre de serrurerie. Les détails constructifs élaborés par exemple au sein de l’atelier de Jean Prouvé pour Beaudouin et Lodz à la maison du peuple de Clichy, ou pour Oscar Niemeyer au siège du parti communiste français place du Colonel Fabien, sont partie prenante des modénatures contemporaines des façades. Modifier le rythme ou la section des montants, les types de vitrages fixes ou mobiles et même les systèmes d’assemblages vient dénaturer ces structures complexes, qui ont fait date dans le développement des techniques de construction métallique en France. Cependant, la restauration de telles façades impose de remplacer quasiment tous leurs éléments par de nouveaux profilés métalliques et des verres produits suivant des procédés industriels qui ont évolué.  

Les recherches menées sur des grands ensembles de logement des années 1970 en Suisse par Franz Graf et son équipe de l’EPFL ont mis en avant que de tels projets de restauration imposent une réécriture complète des détails constructifs. Cette opération créative doit remonter aux intentions des architectes d’origine et chercher à concilier celles-ci avec les exigences techniques et économiques du projet de restauration. De tels arbitrages sont difficiles à réaliser et à valoriser pour les architectes restaurateurs, le résultat des centaines d’heures d’études nécessaires à une réécriture réussie étant parfaitement invisible.

Dans le cas d’édifices plus anciens ayant connu plusieurs phases de réfections de leurs menuiseries ou ayant perdu celles-ci suite à une période d’abandon, la définition de l’état à restaurer laisse davantage de marge de manœuvre. Les menuiseries neuves réalisées dans les édifices du Moyen Âge et de la Renaissance s’appuient encore aujourd’hui sur un imaginaire troubadour forgé au XIXe siècle, seuls quelques grands vitraux et quelques vantaux de porte de ces époques anciennes étant parvenus jusqu’à nous. Il reste difficile de se détacher des portes et des fenêtres dessinées par Viollet-le-Duc et les architectes de sa génération qui disposaient de vestiges archéologiques aujourd’hui disparus, mais dont les restitutions plus ou moins scrupuleusement restaurées font désormais partie de notre imaginaire.

Les portes et les fenêtres à petit-bois du XVIIIe siècle et du XIXe siècle sont mieux connues. Ces éléments nécessairement remaniés au fil des ans peuvent même parfois permettre d’avancer des datations. La présence dans un immeuble parisien de crémones à pompe est ainsi un indice qui pousse parfois les services de la Commission du Vieux Paris à approfondir les études concernant la phase intense et complexe de renouvellement du bâti qui précède les grands travaux d’Haussmann. Au-delà du domaine des édifices classés, les incitations à la rénovation énergétique ont ces dernières années accéléré la destruction d’un patrimoine de portes et de fenêtres qui reste encore largement à étudier. Les édifices classés constituent ainsi un laboratoire dans lequel développer une conception plus sophistiquée du développement durable que celle aujourd’hui en vigueur dans l’industrie du bâtiment.

La séance doctorale du séminaire d’histoire de la construction propose d’engager un dialogue sur ces questions d’actualité avec des étudiants du DSA patrimoine de l’ENSA Paris-Belleville et des professionnels.  

Bibliographie sélective

A.-J. Roubo, L’art du menuisier, Paris, Cellot & Jombert, 1769-77 (6 volumes).

E. Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe, Paris, Bance et Morel, 1854-68, vol. 6, p. 345-85, art. « Menuiserie ».

J.-L. Roger, Châssis de fenêtres aux XVe, XVIe et XVIIe siècles, Dourdan, Vial, 1995.

G. Marino, « Un classique de l’architecture et de l’urbanisme de notre temps », dans Franz Graf (dir.), La Cité du Lignon, 1963-1971. Étude architecturale et stratégies d’intervention, Gollion, Infolio, 2012, p. 18-33.

S. Caccia e C. Olmo, La villa Savoye. Icona, rovina, restauro (1948-1968), Roma, Donzelli, 2016.