Séminaire Histoire de la construction : les chantiers de construction inachevés

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Organisé par
Le Centre de théorie et analyse du droit
(CTAD) UMR 7074, CNRS – Université Paris Nanterre
Le Laboratoire Archéologie et Philologie
d’Orient et d’Occident (UMR 8546, ENS-CNRS-EPHE)
Le laboratoire Orient & Méditerranée. Textes
Archéologie Histoire (UMR 8167, CNRS-Sorbonne Université-
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
et
L’Université de Lausanne
avec le soutien de l’EUR Translitteræ

Mardi 23 janvier 2024
de 10h à 17h

10h Introduction
10h15 Bruno Bazin, archéologue, Direction de l’archéologie de Chartres métropole
Le sanctuaire civique de Chartres (Autricum) : Quel regard porter sur le démantèlement et l’abandon singulier de ce grand édifice public, dès la première moitié du IIIe s. ap. J.-C. ?
11h15 Joan Domenge Mesquida, Professeur d’histoire de l’art médiéval à l’Université de Barcelone
Autour de quelques chantiers inachevés dans l’ancienne couronne d’Aragon.

12h30-14h Déjeuner

14h Léonore Losserand-Dubois, ENSA Paris Val de Seine (EVCAU)
Pierre à pierre, campagne après campagne, les édifices monumentaux de l’époque classique à l’épreuve du temps de la construction.
15h Josep Bracons, Professeur à l’École Supérieure de Conservation Restauration de Patrimoine, Barcelone
La Sagrada Familia après Gaudi.
16h15 Revue de publications récentes sur l’histoire de la construction

Résumés

Bruno Bazin est archéologue, responsable de la coordination scientifique au sein de la Direction de l’archéologie de Chartres métropole. Membre associé à l’UMR 8546, AOROC, ENS/CNRS, il s’est spécialisé sur l’architecture romaine, préférentiellement celle des monuments publics. Depuis 2006, il est en charge du programme de recherche sur le sanctuaire antique de Saint-Martin-au-Val et dirige des opérations préventives autour de cet ensemble cultuel. Il a également été expert auprès de la Commission Territoriale de la Recherche Archéologique Ouest (CTRA).

Le sanctuaire civique de Chartres (Autricum) : Quel regard porter sur le démantèlement et l’abandon singulier de ce grand édifice public, dès la première moitié du IIIe s. ap. J.-C. ?

Depuis 2006, un programme de recherche est conduit sur les vestiges d’un important complexe religieux de plus de 10 ha, agrémenté de plusieurs constructions, et situé en périphérie immédiate de la cité antique d’Autricum (Chartres). L’édifice principal, le sanctuaire, se compose d’un quadriportique avec pavillons
d’angle enserrant une cour de plus de 4,5 hectares. Le temple, d’après quelques observations archéologiques récentes, semble se localiser en semi hors-œuvre du portique occidental. Les fouilles de l’angle nord-est du quadriportique, réalisées entre 2006 et 2011, ont permis de conclure que les maçonneries principales, conservées essentiellement en fondation, sont édifiées entre les années 70-120 ap. J.-C. Vers 120-140 ap. J.-C., la construction d’exèdres et d’absides est effective à l’est, le long du péribole. Le secteur fouillé présente pour les périodes suivantes deux singularités. En premier, les éléments en lien avec la phase de fréquentation sont totalement absents et un hiatus chronologique est perceptible à la seconde moitié du IIe s. ap. J.-C. D’autre part, les premières traces de démantèlement et de récupération apparaissent dès la première moitié du IIIe s. ap. J.-C. Ce fait relativement précoce, en comparaison aux périodes de déclin connues sur d’autres grands sanctuaires, pose question.
Á la lumière des données issues des opérations archéologiques de ces dernières années, cette communication se propose d’interroger cet abandon prématuré dans son ensemble chronostratigraphique.

Bibliographie sélective
Coutelas (A.), Bazin (B.), Charrié (A.), Cormier (S.), Loiseau (Ch.) 2024 — « De marbre et de poix : nouvelles données inédites sur les cales d’accroche des placages muraux dans l’architecture romaine à partir de l’exemple du sanctuaire de Saint-Martin-au-Val (Chartres, Eure-et-Loir, France) », Journal of archaeological science, à paraitre.
Bouilly (E.), Maqueda (M.), Papaïan (S.) 2023 — « Les bois gorgés d’eau mis au jour sur le sanctuaire antique de Saint-Martin-au-Val (Chartres 28) : l’évolution des moyens de conservation pour une découverte exceptionnelle » dans Actes des 14ème rencontres nationales de l’ANACT, 13/14 Octobre 2022. Musée d’Aquitaine de Bordeaux.
Bouilly (E.) 2022 — « Le complexe cultuel antique de Saint-Martin-au-Val : état de la recherche sur la découverte exceptionnelle d’éléments de charpente et d’un plafond suspendu à caissons en bois décorés », Revue archéologique, 2022/1, n° 73, p. 153-162.

Bazin (B.) 2022 — « Les bassins secrets du sanctuaire antique de Saint-Martin-au-Val », Archéologia, n° 613, Éd. Faton, Dijon, p. 14-15.
Bazin (B.) 2021 — « Un grand complexe cultuel antique pour honorer les Dieux à Autricum-Chartres (Eure-et-Loir) », DRAC Centre-Val de Loire – Service régional de l’archéologie, Orléans.
Bazin (B.), Hérouin (S.) 2014 — « Démantèlement et abandon d’un grand sanctuaire à Chartres (Autricum) dès la première moitié du IIIe siècle apr. J.-C. », Gallia 71-1, CNRS, Paris, 2014, p. 13-24.
Bazin (B.). 2013 — « Chartres, Saint-Martin-au-Val. Grand sanctuaire Gallo-romain », Archéologia, n° 511, Éd. Faton, Dijon, p. 44-52.
Bazin B. (dir.). 2013 — « Le complexe monumental suburbain de Saint-Martin-au-Val (Chartres, Eure-et-Loir). État de la recherche (2006-2011) », Gallia 70-2, CNRS, Paris, p. 91-195. https://hal.science/hal-01842894
Drost (V.), Bazin (B.), Rivière (J.). 2011 — « Deux dépôts de l’époque d’Hadrien sur le sanctuaire de Saint-Martin-au-Val (Chartres, Eure-et-Loir) », Bulletin de la société française de numismatique. N° 9, Paris, Novembre 2011, p. 238-248. https://shs.hal.science/halshs-00711714 .
Bazin (B.), Simon (J.). 2008 — Un ensemble céramique de la fin du IIIe s., témoin de l’abandon du complexe monumental de Saint-Martin-au-Val (Chartres, Eure-et-Loir) dans Rivet (L.) dir. – Les productions céramiques en Hispanie tarraconaise. Actualités de la recherche céramique. Actes du congrès de la SFECAG, Empurias, 1 au 4 mai 2005. Marseille, SFECAG, 2008, p. 681-690. https://hal.science/halshs-00711721v1

Joan Domenge Mesquida est professeur d’histoire de l’art médiéval à l’Université de Barcelone. Depuis le début de son activité académique, ses principaux axes de ses recherches ont été l’histoire de l’architecture et de la construction et l’histoire des arts somptuaires (en particulier l’orfèvrerie et les émaux gothiques) dans la zone de l’ancienne Couronne d’Aragon, avec Majorque comme centre d’attention prioritaire. En ce qui concerne l’histoire de l’architecture, il convient de souligner ses recherches sur le processus de construction de la cathédrale de Majorque et sur la formation et la carrière professionnelle de l’architecte du XVe siècle Guillem Sagrera. Il a également mené des recherches sur l’analyse structurelle et décorative des charpentes médiévales et modernes.
Les recherches les plus récentes ont été menées en tant que chercheur principal des projets « L’architecture
gothique dans la couronne d’Aragon : la conception de l’espace et son ornementation » (2014-17) et
« Barcelone dans le contexte du gothique méridional : architecture et ornementation » (2019-22). Il a été
membre de comités scientifiques d’expositions et de congrès et est actuellement membre de plusieurs
comités éditoriaux de revues spécialisées dans l’histoire de la construction, de l’architecture et de l’art en
général.

Autour de quelques chantiers inachevés dans l’ancienne couronne d’Aragon
Le remplacement d’anciennes et petites églises par des bâtiments plus grands et plus solennels est un processus bien documenté dans les territoires de la Couronne d’Aragon, à différents moments de l’histoire. Dans certains cas, cette transformation n’a pas été achevée, laissant des traces très éloquentes de ces chantiers inachevés. Cette contribution offre un aperçu de quelques exemples pertinents, montrant des travaux qui ont été interrompus dès le début, comme dans le cas de la cathédrale d’Elne, dont seule l’abside
gothique a été commencée autour du chevet de la cathédrale romane. D’autres nouveaux bâtiments, en revanche, ont été presque terminés, ne laissant inachevées que la dernière travée et la façade de l’ancienne église : ils fournissent des exemples curieux de la coexistence d’édifices de différentes échelles et caractéristiques. Tout au long de la présentation des divers cas, l’accent sera mis sur les processus de construction, sur les difficultés de financement qui ont fini par empêcher la continuation des projets ambitieux, et sur les problèmes de conservation qu’implique l’assemblage de bâtiments de caractéristiques et de dimensions différentes, selon les indications que la documentation nous a transmises.

Bibliographie sélective
J. Domenge: « Des matériaux anciens pour une nouvelle église à Llucmajor (Majorque, c. 1400) », in Il reimpiego in architettura: recupero, trasformazione, uso, Roma, 2008, p. 493-501.
J. Domenge: « Obra vella/obra nova: renovació arquitectònica i necessitat litúrgica », in El gòtic meridional català: cases, esglésies i palaus, Barcelona, 2009, p. 43-51.

Léonore Losserand-Dubois est enseignante d’histoire de l’architecture à l’École d’architecture de Paris Val-de-Seine. Elle est aussi chercheuse à l’unité de recherche EVCAU au sein de cette même école. Son travail de doctorat à l’université de la Sorbonne à Paris a consisté en l’étude des chantiers des églises paroissiales de Paris des XVIIe et XVIIIe siècles. Ses travaux scientifiques portent actuellement sur les modalités de construction des Temps modernes, étudiés par le prisme des sources d’archives et de l’archéologie du bâti dans une vision d’anthropologie historique et d’histoire des techniques visant à retrouver la chaîne opératoire du bâtiment.

Pierre à pierre, campagne après campagne, les édifices monumentaux de l’époque classique à l’épreuve du temps de la construction
L’étalement dans le temps est une composante indéfectible des chantiers monumentaux de l’ère préindustrielle qui amène l’historien à interroger la notion d’inachèvement non pas seulement comme un processus involontairement suspendu mais aussi comme une opportunité, saisie ou non, de changement dans le dessein.
Les chantiers inachevés, parmi lesquels celui de la nef de la cathédrale Saint-Just de Narbonne est un exemple saisissant à l’aube du XVIIIe siècle, permettent de documenter le processus de construction comme un déroulé « pierre à pierre » de l’acte de construire. On tâchera d’énumérer aussi quelques dispositifs temporaires destinés à maintenir l’édifice debout pendant et à la suite de l’arrêt du chantier. Ce temps de suspension est d’ailleurs inhérent au chantier qui chaque année pendant l’hiver s’interrompt. Ce qui amène à s’interroger sur le temps intermédiaire de la construction et des modalités concrètes de mise en suspension quand il faut attendre, qui un apport d’argent, qui une volonté politique favorable.
Mais certains chantiers inachevés ne font pas forcément des édifices incomplets comme nous le verrons avec le cas de la petite église paroissiale de Sainte-Marguerite au faubourg Saint-Antoine (Paris), construite par phase, pourrait-on dire par corps de bâtiment (nef, puis bas-côtés, transept nord, transept sud et enfin chœur). Ce qui permet d’élargir le nombre de cas d’étude à des édifices a priori achevés mais plus ou moins visiblement disharmonieux.
En effet, beaucoup de chantiers étalés dans le temps traversent des périodes de renouvellement formel ou de changement du goût, rendant possible ce que l’histoire de l’art a traditionnellement appelé les ruptures de styles. Déjà le chœur gothique de la Madeleine de Vézelay tranchait avec le chœur resté roman de la basilique. Quel parti adopter ? choisir le « building against time » (Howard Burns) pour faire fi des dernières innovations et maintenir le dessein originel ? Ou au contraire « building in time » (Marvin Trachtenberg), sans considérer la disharmonie ou les ruptures et au risque de créer des disjonctions. Sans forcément adopter des échelles ou formes trop dépareillées, beaucoup tentent de modérer les variations intervenues en cours de chantier, comme à l’église Saint-Sulpice qui, sur près de cent cinquante ans de mise en œuvre, laisse voir nombre de traces de repentirs et de coutures que l’archéologie et la compilation minutieuse des dessins de projets des différents architectes peuvent révéler.

Bibliographie sélective
Autour des maîtres d’œuvre de la cathédrale de Narbonne : les grandes églises gothiques du Midi, sources d’inspiration et construction : actes du 3e colloque d’histoire de l’art méridional au Moyen-Age, Narbonne
1992, recueillis et publiés par Myriam Demore, Jean Nougaret et Olivier Poisson, Narbonne, 1994.
BURNS, Howard, « Building against time : Renaissance strategies to secure large churches against changes to their design », dans L’église dans l’architecture de la Renaissance, J. Guillaume (dir.), Actes du colloque de Tours, 1990, Paris, Picard, collection De architectura, 1995, p. 107-131.
D’ORGEIX, Emilie et DUBOURG-GLATIGNY, Pascal (dir.), « Temporalités et micro-chronologies de l’architecture , Profils, revue de l’association d’histoire de l’architecture, n°2, 2020.
HAMON, Étienne, Un chantier flamboyant et son rayonnement : Gisors et les églises du Vexin français, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2008, 652 p.
SANKOVITCH, Anne-Marie, The Church of Saint-Eustache in the Early French Renaissance, Brepols, 2015. TRACHTENBERG, Marvin, Building in Time. From Giotto to Alberti and Modern Oblivion, New Haven, Yale university press, 2010, 516 p.

Josep Bracons (n. Barcelona 1957), historien de l’art, est professeur à l’Ecole Supérieure de Conservation Restauration de Patrimoine, Barcelona ESCRBCC https://www.escrbcc.cat/, membre de la Commission Consultative de la Sagrada Familia en matière artistique (depuis 2018), membre de de l’Académie Catalane des Beaux-Arts depuis 2004 https://www.racba.org/, Entre 2010-2021, il a été Conservateur en chef au Musée d’Histoire de la Ville de Barcelona MUHBA https://www.barcelona.cat/museuhistoria/ca
https://dhac.iec.cat/dhac_mp.asp?id_personal=894
https://ca.wikipedia.org/wiki/Josep_Bracons_i_Clap%C3%A9s
https://www.flickr.com/photos/jbracons/

La Sagrada Familia après Gaudi
La Sagrada Familia après Gaudí présente un parcours visuel autour de l’histoire de la construction de la basilique de la Sagrada Familia à Barcelone, le grand projet architectural conçu par Antoni Gaudí, en construction depuis 141 ans. Un système de financement particulier a déterminé que les travaux avancent de manière irrégulière depuis 1882. Devenue la plus grande attraction touristique de Barcelone (3 781 845 visiteurs en 2022), les travaux ont progressé rapidement au cours des dernières décennies et il est possible d’approcher désormais une date d’achèvement. La communication fait également référence aux défis présentés par la poursuite du projet de Gaudí : la fidélité au projet original, l’adaptation des méthodes de Gaudí à ceux de l’architecture contemporaine, l’utilisation de nouveaux matériaux et des nouvelles technologies ou la relation entre la grande basilique et son entourage urbain.

Quelques renseignements supplémentaires :
Site officiel
https://sagradafamilia.org/en/home
Exposition Gaudi au Musée d’Orsay (2022)
https://www.musee-orsay.fr/fr/agenda/expositions/gaudi
Catalogue de l’exposition
https://www.musee-orsay.fr/fr/articles/gaudi-le-catalogue-de-lexposition-213306
Arte TV : Sagrada Familia, le défi de Gaudí
https://www.arte.tv/fr/videos/100225-000-A/sagrada-familia-le-defi-de-gaudi/
Arte TV : Construction de la Sagrada Familia, la fin est proche
https://www.arte.tv/fr/videos/117593-004-A/construction-de-la-sagrada-familia-la-fin-est-proche/
Catalogue de l’exposition Paris Barcelone de Gaudi a Miró (Grand Palais, 2001-2002)
https://www.amazon.es/PARIS-BARCELONE-GAUDI-MIRO-Collectif/dp/2711842800
Josep Maria Subirachs (sculpteur de la façade de la Passion)
https://fra.subirachs.cat/
Subirachs dans la Sagrada Familia
https://www.amazon.es/SUBIRACHS-SAGRADA-FAMILIA-FONTANALS-DURANDF/dp/8483340356
Les vitraux de la Sagrada Familia de Joan Vila Grau
https://www.amazon.es/vitralls-Sagrada-Fam%C3%ADlia-Joan-Vila-Grau/dp/8499794580
Mark Burry: Meeting the challenges of completing Gaudi’s Sagrada Familia Basilca
https://vimeo.com/111784729